samedi 8 septembre 2007

Recherche identité personnelle désespérément

"Parallelism" by Loo




Le joli petit bouquin de Clément Rosset pas tout récent (1999) intitulé Loin de moi, bouscule l’idée reçue et largement nourrie par ses prédécesseurs, selon laquelle l’identité personnelle, dimension intime du moi ou moi profond, correspond à mon essence même, à mon identité réelle. Il défend, en effet le principe suivant : l’identité qui seule peut prétendre à l’être et à l’existence n’est autre que l’identité sociale. Autrement dit, point d’identité personnelle sans identité sociale. Ainsi, il ne saurait y avoir d’autre identité que sociale. Pour prouver la primauté de cette dernière sur l’autre, il démontre que l’identité sociale donne l’illusion de la réalité singulière de l’identité personnelle en ce que, précisément, elle la construit. Ou la détruit ! Non l’inverse. Cela expliquerait ces destabilisations, ces déchirements de l’égo lorsque se trouve malmenée une identité que l’on pense à tort en termes d’intériorité et de fondation. L’identité est, selon Rosset, sociale. L’identité sociale nous composerait tout entier, jusqu’aux tréfonds de l’âme et des intestins. Le reste n’est que rêve de transcendance frelaté. Point d’unité de la conscience de soi sans l’acceptation de cette « extériorité » vue comme composante essentielle de l’être psychique. Notre cerveau fonctionnerait alors sur le mode de l’avoir, de la possession (de l’autre, objets ou sujets) plutôt que sur celui de l’être. Voilà Platon, Descartes, Kant et leurs copains mis au pilori et remisés au placard des éhontés de la mauvaise foi.

Les puissances du « On », du « Tu » écrasant ainsi définitivement le « Je » , ce Je n’ayant d’autre réalité que celle, première, du Tu, du Vous, du On. L’unité de la conscience ne relève désormais plus que d’autrui tant en construction (l’enfant se construit en imitant), qu’en réalisation (nous ne sommes en adéquation avec notre identité que dans la confrontation « amoureuse » à l’altérité, l’amour étant à comprendre comme attrait de complémentarités différentielles ou de quelque singularité admirée et admirable et pourtant banale en soi puisque c’est toujours l’autre qui fait exception: si nous sommes tous exceptionnels -nous sommes toujours l'autre d'autrui-, alors nous nous ressemblons étrangement par unicité interposée! ). En cela, l’identité sociale serait du côté de la vie tandis que l’identité personnelle ne lui serait d’aucune utilité. Et pour preuve, nous ne sommes que ce que nos relations, ou leur absence, font de nous.

Le cheminement de Rosset le pessimiste est digne d’intérêt, mais que faire alors de ce qui sous-tend son raisonnement. À savoir les ressorts aliénants d’une société qui lui sont sous-jacents. Ceux, par exemple, de l’employé qui aime à en crever l’icône patronale. Que faire des logiques militaires hiérarchisantes que l’on retrouve partout en société, dans la famille, dans le travail et ailleurs. Faut-il rejeter les réflexions sur le conditionnement par l’éducation, machine ô combien normative, au profit d’idéologies adossées à des considérations génétiques (du style l’homme est un loup pour l’homme) ? Ou la primauté de l’identité sociale sur celle, personnelle, souffrirait-elle la possibilité d’une autre organisation sociale que celle de l’avoir, autrement dit, de la considération d’un « tu » non compétitif au regard du « je », ce toi-moi (telle est l’identité sociale de notre époque) dépossédé de sa propension à posséder, y compris autrui en ce qu’il présente à soi, au toi-moi, une altérité consubstantielle et en même temps irréductible à soi ?

Rosset le reconnaît, l’identité personnelle est une construction nécessaire à la justice. Mais elle reste un construit. Cependant, bien qu’autrui soit la condition du moi, « je » n’est pas pour autant un autre. Et s’il n’est pas un autre, il reste peut-être l’illusoire espoir d’être un soi non-social et de se référer à une identité personnelle fondatrice de toute identité sociale...

Loo

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