mardi 29 mai 2007

La journée de la fête

Journée sans tabac, journée de la courtoisie au volant, journée de la femme, journée sans voiture, journée de solidarité, journée de dépistage du cancer de la peau, journée du patrimoine et même, journée de la santé du pied, journée de la francophonie, il y a même la journée mondiale du soleil. Et puis, les fêtes, celle de la bière, des mères, fête de l’humanité, fête de la morue, fête de la nature, fête des lumières, des mère-grands, fête de la musique, des pères, fête de la science, fête des voisins… On ne s’en sort plus. À quand la fête mondiale des sardines en boîte, à quand la journée internationale des utilisateurs de chiottes à la turque, à quand la journée de ceux qui la porte à droite dans un caleçon de gaucher, la fête du chasseur, des paires de couilles, la journée du sanglier, des ovaires, la fête de la brosse à dents, la journée des grabataires, la fête des p’tits n’enfants, la journée mondiale de l’allaitement au sein, la fête des fétichistes du mamelon, la journée sans relation charnelle, la fête du triolisme, la fête des gens contents, la journée des déçus de la vie, la nuit des mort-vivants, la fête des catholiques de confession musulmane, la journée de la voix d’opéra, la fête de la femme de ménage, la journée universelle contre la mort, la fête de la vie, le jour des saint (zut ça c’est bon) ? Et ainsi de suite.

Le ridicule ne tue pas, il n’y a là-dessus aucun doute à avoir. Ça ressemble à ces trucs dont on a découvert l’efficacité et le succès une fois et une seule et qu’on ressort à toutes les sauces sur des thèmes aussi variés que contradictoires.. Parce que ça marche, ça endort, ça rassure. Ça crée du nouveau, de la solidarité, de la fraternité, du politique, du lien social. Comme une blague foireuse.…

Cela ne comble, en vérité, que du vide. Et encore, même pas celui dont le peuple serait la victime inconsciente. Il choisit en réalité bien plus que ne le disent nos chefs. Ce vide est plutôt celui d’une poignée d’hommes d’élite en manque d’idées proprement politiques et dont l’intérêt bien senti a bien compris l’utilité de remplir le temps des peuples de tout prétexte à faire la fête ou à se « mobiliser » pour telle ou telle cause de bon aloi festif ou moral ou les deux. L’on finit par y croire à force d’enfoncer le clou. D’ailleurs, à ce rythme, il faudra bien une fête des journées ou une journée de la fête. Ça deviendrait vite orgiaque sans limitations thématiques… Il faut un thème. Ça « formalise ». Alors, évidemment, il faudra préférer des thématiques politiquement correctes. On imagine mal une journée internationale de l’anarchie. C’est d’ailleurs malheureux, car étant donnée l’efficacité de ces événements organisés à profusion et encouragés par la puissance publique, il ne fait pas de doute qu’une telle journée signerait à peu de chose près la mort de l’Anarchie politique. La musique pâtit à n’en pas douter de cette merveilleuse invention de Jack Lang. DJ guinguette, musique de bastringue, guitare de feu de camp et top cinquante se tirent la bourre pour le plus grand « bien » de l’art du son. Il y a du contrôle social dans ces artificielles communions rendues indispensables par les puissances médiatiques et les faiblesses humaines.

Ce soir, c’est la fête aux voisins. Préparation des meilleures blagues… Foireuses. Faut bien s’adapter pour se faire apprécier, en viennent à croire les croyants des fêtes et journées foireuses. Contrôle et auto-contrôle sont des mots qui vont si bien ensemble.

Loo

samedi 26 mai 2007

Kultur marchande

"Kultur & dog" by Loo


Ainsi Don don don, les petites… Drôle de bordel dans lequel nous voilà rendu. Le don, la donation, le don du don, la re-don-dance… Il fut question du don fétichisé se résumant à une forme d’aliénation pour le donateur et pour le destinataire du don. Il fut question du don vénéré, adoré par celui qui donne et par celui qui ne donne rien, comme le croyant et l’athée aiment leur icône, il est question, encore une fois, de la fétichisation du don, de la fétichisation surtout. Autrement dit, du don et du reste (culture, cuuuuuuuuuultuuuuuuuure), devenus marchandise :

« Marx, écrit Adorno, définit le caractère fétiche de la marchandise comme la vénération de ce qui s’est fait soi-même, de ce qui, comme valeur d’échange, s’est aliéné aussi bien de son producteur que de son consommateur, c’est-à-dire l’homme ».

Adoration et vénération de l’objet, de la chose, de la marchandise, qui sépare l’homme de lui-même, vénération davantage investie dans l’objet que dans l’homme. Objet ici pensé et vécu comme la chair de la chair, comme organe propre au corps et à la pensée, comme construction sociale et psychologique, comme construction radicale de l’homme, du soi.

Aussi, le travail pensé en termes « modernes » de production d’objets, puis de services (peut-être viendra la production du vent !), est-il également l’oubli de l’homme du point de vue de ce qu’il est. Confrontation hystérique et historique entre l’être et l’avoir, bataille décisive qui voit la victoire sans bavure de l’avoir sur l’être.

« Une conséquence immédiate du fait que l'homme est rendu étranger au produit de son travail : l'homme est rendu étranger à l'homme. ».

Il balance ce bon gros poilu de Karl M. et sans plus de complexes que ça. Merci aux libéraux pur jus de me balancer leurs contre-arguments, leurs insultes et leur insuffisance.

Il faudra ajouter, que l’homme au sens de Marx, reste parfaitement familier et connaisseur de TOUT... Sauf de lui-même, à savoir qu'il est à l'écoute de toute matérialité fétichisée. Pas cool. Freud n'aurait pas dit autre chose !

Le slogan serait donc : tout sauf l’homme. Voilà à quoi, au fond se réduit la logique du fétiche. À savoir : passer sa vie à chier (c’est matérialisable jusqu’aux effluves), baiser (d’aucuns et d’aucunes ne le firent, ne le font et ne le feront que pour s’assurer qu’il ne disparaîtront pas après leur propre mort, matérialisation du désir et, surtout, de la peur d'y passer), éructer, vomir (z’y vas, touche tes glaires !), tomber malade (avec la culpabilité que cela suppose vis-à-vis de la hiérarchie bouffonne structurant ce monde-ci), bouffer (à s’en faire péter le bide), vider (ben… la vessie !), remplir, jeter, prendre, acquérir, acheter, s’approprier.

Adorer la propriété. Le fétiche par excellence...

Adorno :

- « Ce qu’il y a de mystérieux dans la forme-marchandise consiste donc simplement en ceci qu’elle renvoie aux hommes l’image des caractères sociaux de leur propre travail comme des caractères objectifs des produits du travail eux-mêmes, comme des qualités sociales que ces choses possèderaient par nature (…). ».

Loo
:

-
Putain, comme tu te la racontes à mort, t’as pété un plomb mec. Tu veux dire que, par exemple, ma hyper chaîne stéréo que je me suis payée à l’insu de ma sueur et de la gonzesse qui motivait c’te tuerie de sono, c’est un truc qui veut dire que j’le vaux bien aux yeux de la meuf et des miens mais pas au sens de ma vie ? T’es gueudin ou quoi ?

Adorno :

- Simpliste et réducteur, mais en gros c’est ça. Pis d’abord, c’est pas avec vos yeux que vous voyez . C’est même pas les vôtres d’ailleurs, bande de dégénérés. Ceux du corps social...

Loo :

- C'est la même chose, c’est bon, me fais pas la leçon.

Adorno :

-
Et puis il s’agirait moins de ta vie que de la connaissance que tu en as, pauvre crétin, des choix que tu fais dans l’orientation que tu lui donnes, des vénérations qui sont les tiennent car tu n’es rien d’autre qu’un iconolâtre. D’ailleurs, la preuve : tu m’adores, bouseux que tu es.

Loo :

-
Tu me traites ! Vas-y, joue sur les mots, tout ça pour avoir raison et la jouer subtil. Va niquer ta mère.

Adorno :

-
Allez, du balais, vermisseau, pas qu’ça à foutre moi ! »

Bon, j’me barre, on peut pas discuter avec ce genre de mecs.

Et voilà ce que précise mon très cher (et gros enculé, p’tain comment y m’a parlé ce con) Adorno :

« Le consommateur adore vraiment l’argent qu’il a dépensé en échange d’un billet pour le concert de Toscanini ».

La Kultur surfant sur les pentes glissantes du libéralisme, qui ne se gêne pas pour faire des objets de l’art des biens de consommation (culturels, mais faut-il le préciser ?), pousse son « consommateur » à aimer l’argent qu’il dépense à s’acheter sa condition et son rang avant même de penser à l’art… Et ça marche !

La voilà la plus-value culturelle. Point de flacon, tout juste l’ivresse des biftons encore chauds qui glissent entre les doigts et qui ne sont rien d’autre que le frisson d’un faire valoir plutôt que d’un faire être.

La valeur d’échange prive de la valeur d’usage. C’est le prix à payer de l’oubli de soi pour se produire une valeur qui a si peu à voir avec l’homme et, surtout, avec sa misère congénitale, avec sa condition.

Nouveau fétiche : la modernisation : elle vise à ringardiser tout point de vue en désaccord avec le sien. Pourtant, la modernisation est un retour aux fondamentaux, aux valeurs les plus conservatrices. Elle impose qu’on laisse choir ces « combats d’arrière-garde » (qui consistent à préférer l’homme envers et contre tout) au profit de la vénérable croissance et d’une conception du mieux-être individuel dont bénéficierait le collectif. Et ça n’a pas vraiment l’air de fonctionner!

Continuons donc à faire valoir et à se faire valoir plutôt qu’à valoir réellement. Hein que c'est vrai, Théo ?

Loo

jeudi 24 mai 2007

Sans espoir de retour…


"Vide" photo Djü


Assez soudainement le mot « donner » est réapparu dans d’autres bouches que celles habituées de présentateurs croulants ou de stars vieillissantes en recherche d’existence ou simplement en promotion. Oui on a entendu parler de donner, et plusieurs fois, en politique la chose est assez rare pour qu’elle soit notée. Mais « donnant-donnant », ça n’est pas pareil que donner tout court. Donnant-donnant, c’est comme cela que l’on dresse les bêtes. Est-ce donc la nouvelle façon dont nous nous considérons et par la même dont nous sommes considérés. Parce que nous quantifions le don comme dans un bon dressage, en bonne et due forme, et de manière pragmatique il ne faudra pas chercher d’amour chez la bête dressée mais bien l’attachement sincère et égoïste à du quantifiable. Le donneur-receveur se contente lui de l’inquantifiable idée de l’attachement sincère, néanmoins obtenue par de quantifiables carottes. Voici donc la proposition moderne du don. On donne des sous, des médicaments, de l’amour, loin parfois de savoir si l’on donne au bon endroit, peu importe puisque l’important est de recevoir en retour. Donnant-donnant. On donne de tout, c’est que c’est la logique consumériste, mais surtout peu de soi, et quand on donne un peu plus c’est qu’en réalité il s’agit de prendre.

Cette proposition est pourtant peu séduisante si l’on considère que la valeur du don se justifie justement par son désintéressement. Cependant le libéralisme forcené individualise et justifie le calcul quand bien même il mène à un esclavage. Donner librement c’est ne pas espérer de retour. Manquer à soi même c’est ne pas avoir d’espoir de retour. Manquer à soi même c’est se faire dépouiller de ses actes, de son Fatum. Donnant-donnant sans espoir de retour …

Djü

lundi 21 mai 2007

Parle à ma tête mon cul est malade

"Ideas" by Tibarama


Parce qu’en fait de tête, si mal tenue par la ménagère que l’on s’évertue à être, ménagère en rationalités, il s’agirait plutôt d’admettre que l’on s’occupe davantage de la propreté -et d’une forme d’ordre à faire régner- de notre cul en termes d’inconscient et de conditionnement, que de pensée.

Il est d’ailleurs parfois question de « tête de bite », expression courante recouvrant autre chose qu’une simple ressemblance physique -encore que- stipulant par ailleurs que la bite est infiniment idiote (il faudrait en fait dire bestiale, tout le contraire de la bêtise). Notons que "tête de cul" n'est pas usité.

Le bon sens n’est pas toujours de bon conseil. Loin de nous l’idée qui consisterait à faire équivaloir la tête et le séant, pourtant, l’étron aime à se nicher, profondément au chaud, et plus souvent qu'il n'y parait, ailleurs qu’en son lieu naturel … La tête n’est pas suffisamment bien faite pour refouler ou rejeter les roquettes fécales qui s’y trouvent. Elle est, en même temps, si bien faite qu’elle peut en héberger des colonies entières. Aussi pourrions-nous légitimement risquer l’idée qu’une constipation du derche puisse conduire à rendre malade cette vénérée, et si cartésienne, psychè.

Dès lors que les familles décident de régler la question du cul, du propre, du coprolithe psychiquement acquis, avant celles de la tête pratique et à pratiquer, là, en effet, commence la fossilisation neurologique, et par suite les premières céphalées plus ou moins conscientisées.

Ainsi, en arrive-t-on à ce stade de la rationalité développée familialement et scolairement où la tête pense comme un cul, et souvent moins parfaitement qu'un vulgaire trou de balle tout entier engagé à sa fonction primordiale. Quoi ? Un cul ne pense pas ?

Ce moment d’intimité bestiale rappelle, pourtant, de manière fugace, certes, aux malades de la tête qu’ils ont une tête. Qu'il vaut mieux que leur cul ne s'occupe que de ces fesses qui, elles-même, leur rappellent qu’ils ont une tête (Le paradoxe des chiottes). D’où la facilité d’y lire des littératures plus ou moins littéraires pour s’oublier, pour oublier que nous sommes pourvus d’une tête.

Il faut, en effet, avouer que ce cul, si dénigré fut-il, remplit généralement sa fonction bien mieux que la tête n’accomplit la tâche qui devrait être la sienne : penser. Cette tête incroyablement dégénérée qui va jusqu’à rendre malade ce cul qui n’a rien demandé, cette tête qui va jusqu’à se mettre en conflit avec les éléments qui lui assurent son équilibre, popotin compris.

Ainsi, en va-t-il de nos moralistes dont le cul malade ne peut même plus s’en remettre à une tête qui a déclaré forfait depuis trop longtemps. Si encore le fait de penser avec un cul -son colombin et ses odeurs putrides- était connu et assumé comme une inéluctable condition. Nos moralistes pensent par leur cul en le prenant pour leur tête!

Les voilà ces « prêtres » s’accrochant au mirage et à la vertu de la raison. Alors qu’ils échangent et se disputent par fondements interposés, c’est bien en lieu et place de ces fesses neuroniques, maladives et contagieuses qu'ils combattent, dans le vide, le regard figé sur les fesses de Don Quichotte, c'est en lieu et place de ces culs synaptiques, qu’ils auraient dû penser, et non chier, pour soigner le cerveau, organe qui, par excellence conduit à la production de futilités aussi bien intellectuelles que physiologiques : le « pet ».

Ainsi, du « souffle » à la psychè, il n’y a rien. Rien d'autre que le moraliste lâchant ses vents sous prétexte que cela soigne son corps. Pourtant, l'oubli premier... Le soin de la tête!


Loo




mardi 15 mai 2007

Le "don": un fétiche


"Contrast" by Loo




Les définitions pullulent et s’accoquinent parfois avec tant de contradictions qu’il en devient difficile d’y voir clair. Les écrits sur la question sont prolixes, à commencer par la théorie de Mauss, plus sociologique, d’ailleurs, que psychologique et moins encore existentielle. « Le risque du don maussien - donner, recevoir, rendre - est d'être entendu sur un mode simplifié, positiviste » écrit Jean-Jacques Tyszler.

La théorie du don et du contre-don à l’heure de l’Homo Consumptor, Mauss le note lui-même ne suffit pas absolument à penser le don comme il se propose aujourd’hui, à l’heure de la rationalisation marchande de la donation, voire de la mercantilisation de la donation de soi :

"Libenter accipit, beneficium reddidisse" (Sénèque)- bien recevoir (de bonne grâce, de bon coeur, en sachant gré à l'autre) c'est d'avoir rendu le bienfait. Cette approche n’a plus de sens au regard de ce que devrait être le don. Mais, au contraire, elle n’en eut jamais autant face aux sousbassements psychologiques produit par le rapport au monde du tout puissant néo-libéralisme économique. La magie de l’argent n’a, en effet, jamais été aussi puissante. Interprétation réactualisée : point de don mais à la place un achat sonnant et trébuchant. On ne donne plus, on investit peut-être. Et par là on s'achète une bonne conscience, on s'octroie par le don un droit pas très légitime sur autrui, on oblige l'autre... Et on se débarrasse de l'horreur du don de soi, d'une forme de relation désintéressée. Une relation est toujours intéressée, au moins au sens noble. Certes. Personne ne le niera. Cet intérêt là revêt une certaine beauté lorsqu'il se nomme amitié, amour... En attendant, il reste que le don conçu par l'homme post-moderne est animé par des mécanismes souvent aliénants dont les ressorts inconscients et le ressentiment qui l'accompagnent parfois ne rassurent guère.

Ainsi, le "bien recevoir c'est d'avoir rendu" est utilisé avec profit par ces veaux de marketteurs pour montrer la voie à ces vaches "consum-cit" (consommateurs citoyens). À préciser, cette évidence latine où "consommer", étymologiquement, n’est rien d’autre que "faire la somme", "accumuler". Pas même besoin de savoir compter, soit-dit en passant, pour faire cette somme là.

Du capital et du consommateur le nourrissant, il faut aussi faire la somme. Et le don devient l’un des arguments d’excellence pour décomplexer l’acheteur ou pour l'enjoindre à s'endetter. Même lorsqu’il s’agit de "dons" rétrospectivement destinés...à lui-même. Ainsi donc, des chèques cadeaux auto-destinés ou pas (cela revient finalement au même), des soldes, du prix le moins cher affiché en couleur chaudes mais franches pour prévenir de la générosité « gratuite » dont il est fait preuve. Il s’agit bien de vendre, de draper du don pour mieux se vendre. Et, de fait, acheter et vendre, c'est aussi s'acheter et se vendre.

Quand il s'agit du don fait à autrui, la transaction ne prendra sens que dans l’idée que se fera le destinataire du don, de la valeur marchande de l’objet reçu. C’est même à cette valeur qu’il s’évaluera et qu'il fixera le prix de la "passe"! A l'opposé celui qui "donne" achète bien quelque chose. Le rapport acheteur-vendeur existe bel et bien dans la mécanique du don. Si économie il y a, il faut parler d'économie de marché. On en revient , au fond, au couple don et contre-don.

Fait intéressant, pour sortir la valeur "Don" du donnant-donnant et du chantage. Il provient du psychanalyste Jacques Tyszler. Il défend, certes, son bifteck. Il faut bien! La psychanalyse peine à conceptualiser ce qui s’opère déjà depuis longtemps. Reconnaissons pourtant à ce monsieur de l’illustrer, non par l’analyse historique mais par celle des mécanismes animant sa propre discipline :

« La psychanalyse comme praxis ne relève pas d'une économie du Don, pas au sens où la médecine classique légitime son action par son serment sacré. Il y a un déplacement qui peut résider dans le courage de ne pas donner » Jacques Tyszler.

Il est sympa le gars. Sauf que le serment d'Hyppocrate, il est un peu cramé quand il s'agit de s'entretenir entre spécialistes se refusant à soigner des patients couverts par si peu lucrative CMU. Peu importe ce qui est intéressant ici : "le courage de ne pas donner"! Il faut d'ailleurs le payer cher notre bon vieil analyste.

Du courage, il en faut, du moins pour ne pas donner et recevoir de manière ostentatoire et dans des logiques ou le don est à consommer sans modération et sans se préoccuper des poisons qu'il contiendrait. Poison et contre-poison.

Il donne un exemple symboliquement décisif quant au sens du don :

« Un jeune patient, musicien talentueux se plaignait du peu de générosité de son père. Ce dernier refusait obstinément de l'aider financièrement alors que sa situation sociale l'y autorisait, il ne donnait rien. Ce père, musicien également, avait eu pour père un maître hassidique. Ce patient retrouva à ma demande les linéaments devenus obscurs d'une transmission où le don n'est pas matérialité. Il se rappelle des moments brefs mais décisifs durant lesquels son père lui transmit le talent qui désormais fait sa vie. Le don pour la musique ne peut-il suffire comme cadeau de la vie ? »

Cette illustration est assez parlante et met en relief l’idée selon laquelle le don ne peut en aucun cas s’interpréter en termes d’utilitarisme, de simple matérialité, d'instrument pour produire finalement, chez celui qui reçoit, la pression du Don toujours déjà Dû et à rendre, donc. La dette. Plutôt que de don, il faudrait parler de prêt. Et en ce sens, le travail à accomplir est bien de se dégager de toute forme d’immixtion de l'autre en soi par le biais d'un don qui n'en aurait que le nom. Car le don ne se présente pas dans le style pompier des fêtes de Noël. Il arrive même que l'on passe à côté, voire à côté de celui que nous faisons nous-même à autrui et à soi-même.

Il faudrait donc repousser au plus loin les "puretés" familiales et autre, les générosités mitées qui ne consistent qu'à se faire valoir quand on ne se sent pas valoir grand chose. Le don, chose bizarre, qui puise dans l'idée inattaquable de gratuité et d'abnégation pour, en réalité, s’acheter ou se racheter une place de choix dans le cerveau de celui qui reçoit (supériorité de don sur le prêt). C'est-à-dire, également, se payer une présence. Et par là même -ah "sacrés proches"- s’offrir le luxe de l’ingérence dans l'intimité de celui qu'on veut enchaîner ou auquel on veut s'enchaîner. Le sacrifice présenté comme don n'est pas gratuit, sauf cas rares et liés à des contextes historiques sombres.

Cela se résume finalement en une radicale nietzschéade sur la confiance à rapporter au don :

« Contre les familiers. – Les gens qui nous donnent leur pleine confiance croient par là avoir un droit sur la nôtre. C’est une erreur de raisonnement ; ces dons ne sauraient donner un droit ». Nietzsche, Humain trop humain, I, §311.


Loo



samedi 12 mai 2007

Une chienne se lève

"Morning" by Loo









U
ne chienne se lève,

Laissant là, couilles et vit,

Chaos, beaux du matin,

Espoirs, malins de crépuscules,

Pensée fluette et pure,

Falote, brute et fine.


Jouir, Boursoufler.


Sans bavette, à même soi,

Pipette. Attente.

Richesses à plein, de rien

Et briques de désir, tête en premier,

Trique dans le mur.


Fuir, dévider…


Beau, mûr. Trop mur,

Crétin et Bouffeuse,

De béton,

Tarte à la crème,

Du maçon, du mûr, d’une mère,


Une chienne se lève.


Marta & Loo



jeudi 10 mai 2007

Ptéropsychologie présidentielle

"Dove in nature" by Tibarama



Le citoyen a fait son devoir. À l’ancienne ou non. A la missionnaire, en levrette... 77 villes expérimentaient le vote électronique. De Villiers n’a d’ailleurs pas ramené sa fraise déconfite. Le citoyen s’en est bien passé et le rituel eut lieu sans encombre. Avant ou après icelui (le rituel) il a pu s’adonner à ses manies dominicales. La ballade familiale du sédentaire plutôt qu’une bonne partie de jambe en l’air, le programme aberrant du sport de la première chaîne plutôt qu’un footing tout aussi aplatissant, une partie assainissante de tennis plutôt qu’une méditation "polluante" sur l’être, l’oubli rassérénant d’un bon programme plutôt que « l’horreur » récérébrante d’une quête de soi.

Dès 17 heures, ce 6 05 2007, date historique, les choses sont fixées. L’écart est trop important pour que le doute reste possible.

Ceux-ci débouchent le champagne, promettant aux autres des lendemains qui déchantent en trinquant à l’avènement de leur propre richesse et d’une France qui mettra des coups de pied au cul de l’autre France, tandis que ceux-là se morfondent en un marasme encore plein d’espoir se promettant de se mettre en situation de rébellion pour protéger leur cul propre si la tendance se confirmait.

A 20 heure, Nicolas Sarkozy est consacré.

Les discours s’enchaînent rapidement, Royalement. Le (la) vaincu(e) s’affiche en meneur(se) de révolutions (parlementaires) à venir. Le vainqueur, très hollywoodien, le fait sur un registre similaire, faussement humble et se la pète péplum encostumé. Les pauvres, les riches, les malformés, les vieux, les gauchistes et les fascistes formeront une France Une et unifiée à la pointe de la pure lame du glaive de l’espoir . C’est noté.

Et puis il faut se retirer. Le Président doit, du fait de sa gravité, « habiter » la fonction. Le voilà disparu, la meute journaleuse aux trousses. L’est où ? L’est où ? Quasiment deux jours avant que ne sorte le très symbolique « Paloma » bolloréen.

Il ne s’agira pas d’une colombe, mais d’un bateau, très gros quand il s’agit de ne transporter que quelques hommes. Peu importe. C’est une retraite. Une caverne flottante, un antre comme un autre, celui, surtout, de la sagesse, car la fonction l’appelle de ses vœux. Suivra un retour en Falcon. Paloma, Falcon, le bestiaire ailé est au complet. On vole déjà très haut.

Le « Falcon », une flèche dans le ciel, comme pendant du « Paloma », instrument de la retraite. Le « Falcon » ira vite et droit au but, le « Paloma », immaculé sur les flots purifiera par le temps, le silence et « l’absence ».

« Paloma » : la colombe. La culture judéo-chrétienne l’a identifiée au Saint-Esprit. Notre bon Président serait-il en bons termes avec Ce bon vieux ? Avec cette Paloma, fondamentalement symbole de pureté, de simplicité et de paix ?

Rappelons-nous : cette colombe qui, dans le Nouveau Testament apporte le rameau d’olivier à l’arche de Noé, un symbole de paix, d’harmonie, d’espoir, de bonheur retrouvé. Le voilà le bateau tout plein d'animaux, de peuple en perdition, de français malheureux!!! Paloma serait donc l'arche de Noé....

Et Bolloré qui, étymologiquement, signifie « buisson de laurier » !!!! Laurus nobilisSymbole de la Victoire. Que manque-t-il au tableau ? L’éros ! Car la colombe, dans ces aires culturelles qui sont les nôtres, pour être l’oiseau d’Aphrodite, est aussi la sublimation de l’instinct, l’accomplissement amoureux que l’amant offre à l’objet de son désir. Ainsi, Paloma est désir. Sarkozy DANS Paloma chercherait-il à se faire Désir, à s’identifier à une carcasse flottante ne sachant point voler mais représentant symboliquement le potentiel de la colombe aviaire?

C’est tentant. En attendant, cela fait beaucoup…

Récapitulons. Pureté, victoire, désir. Tout cela est dans Paloma. Bien que celle-ci soit submersible, il n’en reste pas moins qu’elle concentre autour d’elle, et avec l’aide de ce victorieux propriétaire, tout le refoulé du Sarkozy et de son désir. La colombe, cette pureté, ce symbolisme issu de la beauté et de la grâce volatile (…) effectivement caractérisé par son immaculée blancheur et par la douceur de son roucoulement.

Notre rutilant Président va susurrer… Il va roucouler… Il va dire son amour. Cinq années durant. Dix peut-être. Car l’amour aime aimer, aime durer, aime s’aimer.

Dans le ventre de Paloma, le Président est LA colombe et sa symbolique. Il est Paloma. Image de la féminité et de la virginité.

Voilà, à l’instar de ces belles que l’on appelait « mon âme », « ma colombe », Nicolas le Président se prépare en sa retraite à s’incarner comme âme du peuple… La « belle » du peuple.

La colombe est sociable et ne supporterait guère d’être rejetée, d’autant que son interlocuteur privilégié est, aujourd’hui, le peuple, sa maîtresse, c’est-à-dire l’Histoire.

En réponse à la fine tactique de la Colombe, le peuple peut alors tenter de se faire désirer, par les moyens qui seront les siens, en jarretelles ou en guêpière.



Loo


vendredi 4 mai 2007

Ode au vieux Bukowski

"Gun" by Tibarama



M
on pote, le bon vieux Buck était spécialiste en enfonçage de portes ouvertes. Tel fut son art, assumé, avec plus ou moins de verve mais toujours prêt, histoire de voir si la porte ouverte résistait. L’enfonçage de porte ouverte est un art en effet, pour la simple raison que la moindre résistance de celle-ci, elle peut d’ailleurs être entrouverte, est une raison supplémentaire de s’y frotter en bon pervers, de haut en bas, de droite à gauche, d’avant en arrière. Elle peut-être fermée… Aucune raison alors d’y laisser une épaule ou autre chose.

« Se lamenter sur un cadavre est aussi inconséquent que de verser des larmes sur une fleur qu’on vient de couper. L’horreur, ce n’est pas la mort, mais la vie que mènent les gens avant de rendre leur dernier soupir. Ils n’ont aucune considération pour elle et ne cessent de lui pisser, de lui chier dessus. Ils ne s’obsèdent que sur la baise, le cinoche, le fric, la famille, tout ce qui tourne autour du sexe… » *.

L’est beau le bon vieux Buck. Il pointe, il tire, il se fout des précautions, il va droit au but. Mais l’enfonçage de porte ouverte est un art. Ainsi, chier sur la vie c’est baiser comme un con (comme un con!)… La baise (on s’en serait douté, l’acte histrionique et hystérique), le cinoche (une évidence industrielle qui rend aux industries ce que les industries lui donne), l’oseille (l’essence même du cul, et du cinéma en passant, LE carburant), la famille (une vérité pornographique, un carburant idéologique plein de fesse qui permet même de se passer de la fraîche en la désirant ardemment), tout cela est pour-la-mort.

Bukowski, ou l’art bien compris d’enfoncer les portes ouvertes. Il est bon le coco. Un Fatum à lui tout seul…

« La majeure partie des morts l’était déjà de leur vivant (…). »

Qu’est-ce que tu fous Buck, tu te la joues là. Une petite « Nuit des morts vivants »? Une métaphore mignonne tout plein du Roméro qui cherche à comprendre ?

Non bien sûr, mon Buck, tu t’en branles des métaphores et du cinoche, tu l’as dit toi-même. Tu enfonces cette porte ouverte avec brio et avec l’élégance du bourrin majestueux. Tu ne chies même pas dessus, sinon par principe, mais surtout et avant tout, tu la conchies. Et cette esthétique débarrassée de plumes au cul, de pédagogies alourdies de zombies de supermarché, tu te paies le luxe de t’en passer. Mon Buck, Tu es chic, tu es « sortable », désinvolte, trivial et génial. Mon bien cher Buck, tu es pénétrant. Enfonce Buck, défonce la porte ouverte que d’aucun présente comme la fermeture absolue histoire de se réserver un livre entier (dont la trésorerie fera office de vérité insondable!) sur la question.

« La mort obsède moins, car on se sent si hébété en compagnie de ses frères bipèdes qu’on en oublie de penser ».

J’t’aime mon Buck, avec tes conneries, ton pétage de boulon et tes couilles pendues à la plume.

C’est quoi le délire, vivre jusqu’à la fin ? En lucide cynique ? En enfonceur de portes ouvertes ? Il faudra reconnaître cet art consistant à ouvrir l’ouvert et cette propension étrange à chier, au passage, dessus, ou plutôt à côté.

Bonsoir, mon très cher Buck, mort au champ d’honneur de la Vie et de ses humeurs, un gun dans le cul mais pas seulement dans le sien. Et pour la bonne cause, sans médailles.

Loo

mardi 1 mai 2007

Sans orchestre

Djü








Le flot de pensée m’inonde que déjà je n’ai plus d’interlocuteur

J’ai donné mon âme par amour et l’amour ne m’aime plus

Mais qu’est ce qu’une âme, rien, sinon un absolu

L’interdit me libère puisqu’en lui je ne saurais finir

Je brave l’absence car rien ne me sied mieux qu’un combat solitaire

Surtout quand est venu le temps de ne plus avoir le choix

Car la solitude est exigeante et n’accepte pas de rivale

Elle a appris que la rivalité ne nourrit que l’essence des jalousies

Sur son trône univoque elle observe ceux qui se déchirent pour une proie

Avides de se vider sensément de ce qui les liait autrefois

Alors chacun reprend sa place , affaibli, fort ou trivial

Même si les regrets empourprent nos élans et désirs

L’innocence est morte dans les bras de la méfiance


Djü