mercredi 28 mars 2007

Vent de fortune !

"A way" Loo


Et chacun d’entre nous comprend qu’il n’est pas facile de faire contre mauvaise fortune bon cœur, car il est une chose qui n’a pas évolué-et pourtant nous dit-on, la civilisation a grandi- c’est qu’un riche ne souhaite toujours pas être pauvre. Non, il ouvre grand son clapet pour te dire te taire, ou t’expliquer par l’arithmétique irréversible que l’on n’échappe pas à la compétition. Bonne fortune, sois compétition, deviens le requin ou le loup ou meurs brebis.

Et chacun d’entre nous comprend qu’entre les corps, dans les interstices des esprits ça n’est pas ce concept d’amour qui s’exprime. Un corps en vaut bien un autre, un être en vaut bien un autre. Le tout remplaçable et jetable. La quête consumériste de bonheur ne se soucie pas de l’injustice. Quelle fortune !

Et chacun d’entre nous comprend vite qu’il est libre, vertueux et insane, dans une nature qui est toujours dualité. La démocratie te dit du coup de te taire au nom de la fortune, au nom de la chance donnée, de par la connaissance du pire, en te serinant des phrases toutes faites pour te faire croire à ta puissance : « Il n’y a pas de hasard » ; « Quand on veut, on peut » ; « Tu décides de ce que tu fais de ta vie »…

Imagine seulement le pire, tu aurais pu naître esclave, noir, femme, arabe, nain, affamé, laid mais il n’est pas proscrit de naître idiot. On a pas nécessairement besoin de réfléchir pour être heureux. Encore cette phrase toute faite. Tais toi et avance sans te poser de question sur le chemin à suivre. Il est bien prouvé que dans nos sociétés si évoluées, cette « meilleure façon de marcher » n’engendre que fortune. Avez vous seulement vu des gens malheureux de tout avoir ? Non cela suffit au bonheur, c’est évident. Et tu ne contrediras aucune raison matérielle, premier commandement, le mot est matériel est à bannir, d’un coup de pompe il n’existe plus.

Tu ne réaliseras pas ton fatum, ni acte, ni avenir. Tu ne contrediras pas, comme tout le monde, car tu es comme tout le monde. Ignore la dualité de ta nature, ignore la dualité qui inspire toute vérité humaine.

Ou à l’inverse ose le duel, ose l’autre fortune, non prédestinée, non établie, hors des diktats, hors de la chance. Le duel est le Fatum, la contradiction est le Fatum, la quête de sens.


Djü

lundi 26 mars 2007

Artiste à vendre...

"Meat" Loo


Indépendance et autonomie avérées de la création artistique ? Vaste question…

Ces éléments vont de l’impératif matériel et financier, qui pèsent sur toute structure culturelle à la tendance politique, pas systématique il est vrai, d’utiliser la culture à des fins de communication plutôt qu’à celles visant à émanciper les « consommateurs » (les cons !) et à l’élévation des esprits « français », en attendant mieux.

Momentanément, il est question de drapeaux tricolore, de bas instincts flattés en douceur. On serait ici plus proches de poils de culs frôlés à bout de lèvres, pour ce frisson réservé à quelques effarouchées mais flattées vierges, que d’une enculade franche à la Le Pen.)
Ségo, tu es douce (douce comme la franchise du Le Pen)…Et en cela à vomir. Fascisation des esprits…

Par ailleurs, ce sont aussi les pressions s’exerçant sur les artistes qui sont également intéressantes, car ces pressions, si elles existent (et elles existent), ne peuvent qu’orienter plus ou moins les choix esthétiques qui sont les leurs (encore des sub-putes !? Cf. le post sur Baudrillard). En d’autres termes, la seule question qui vaille : les artistes sont-ils libres ?

Et la question n’est pas exempte de difficultés ? Faut-il prendre en compte l’élément psychosociologique à la Bourdieu ou alors ne s’en tenir qu’aux faits économiques, politiques ou aux statistiques pour définir la création, considérer la profusion des œuvres, définir l’œuvre comme ce qui n’existe que dans son rapport au public ?

Ce questionnement sur la relation de l’institution culturelle à la création artistique ne peut en réalité que se centrer -en l’utilisant comme pivot- sur la notion d’"Autorité". Et cette « autorité » venant, étymologiquement, du haut (hiérarchie) devrait s’abattre sur l’artiste ( ?), alors limité dans son action par des pouvoirs publics le sommant de s’exécuter en suivant les décisions et les choix artistiques initiés au plus haut niveau.

Malraux, Lang et leurs potes...

Or, l’on peut s’attarder, entre autres, sur la réflexion sur l’autorité d’Hannah Arendt. Elle développe dans la Crise de la Culture, qu’il est apparu rapidement que l’autorité n’était pas forcément du côté où on l’attendait. Outre le fait que l’autorité soit en « recul », malgré les efforts de notre Sarkodingue, et que la sphère politique soit l’une des premières à en pâtir, il faut rappeler, précise-t-elle, que le concept est à distinguer de l’autoritarisme. Car si l’autorité permet l’exercice d’un pouvoir coercitif, c’est toujours accompagné d’une légitimité. Le politique, en ce sens, n’est légitime que pour autant qu’il dispose de cette autorité légitimante. La notion n’est en rien anti-démocratique dès lors qu’elle se comprend comme ce qui transcende l’Etat et lui permet, réellement, d’agir.

Or, cette crise de l’autorité dont il est souvent question pourrait faire penser que l’Etat cherche à asseoir son autorité, PERDUE, et donc sa légitimité, par autre chose. Cela peut se faire par la force, sauf qu’on est plus en démocratie. Ce peut être également par d’autres subterfuges dont la manipulation de l’opinion pourrait être un exemple. Et les méthodes sont variées et quelque peu machiavielienne.

L’une d’elles est éminemment intéressante : elle s’actualiserait par le biais de la respectabilité qu’octroie la culture, aujourd’hui présente partout, jusque dans des tourismes pas très scrupuleux et respectueux de la chose artistique.

Manipulation ? Voici donc l’artiste au centre de stratégies qui, dans son activité créatrice, est tenu, pour se faire une place dans l’institution, d’éviter de se montrer trop subversif ou trop critique ou trop éloigné des réalismes, du principe de réalité, des instances, du goût du peuple, en somme, du pouvoir. Art et pouvoir.

La culture et l'art se déplacent alors du côté de l’ordre

Devant ce pouvoir de la culture et de son ministère, cette dernière est happée dans l'obligation nouvelle de faire « tenir debout » (stare=l’Etat), en ordre, une société en perte, paraît-il, de repères.

La création artistique se trouve en demeure de répondre au cahier des charges de la fabrication du lien social. Mais est-ce là le rôle du créateur ? Car si la création artistique accepte de ne créer que ce qui se range dans les cadres définis d’un certain réalisme politique et social (qui permet et autorise de rêver d’un certaine manière, et pas d’une autre, à travers les « illusions » offertes par l’art), elle oublie que comme création, elle est créatrice de mondes et de réalités à venir (pas forcément à réaliser) dont le propre se définit dans l’émancipation et dans le refus de tout modèles imposés. Eloge « deuleuzien » et surtout fatum (iste) des arts-libres et libérés…

Car, en effet, la politique culturelle est aussi une politique, et à ce titre, elle est pragmatique et souvent merdique. La création qui s’y plie se vide alors de son souffle vital. Elle perd sa capacité de résistance, et, allons-y, de résistance à la mort.

Le politique n’est pas seul responsable, tant la tendance globale est celle de l’intégration aux biens de consommation des biens de consommation culturels. L’exception que constitue ces biens culturels n’est peut-être plus aussi perceptible qu’à d’autre époques… et leur récupération publicitaire ou markéting ou de "contrôle" ne font qu’accélérer ce processus, dans lequel les créateurs sont, en tant qu’êtres sociaux, politiques et, surtout, comme créateurs de mondes à six sous, officiels, des collaborateurs, absolument absorbés et réduits au lèche-bottisme légitimateur et légitimant de financeurs.

Quand la création devient politiquement correcte et syndicalisée… Et d'autant moins combative. Nouveau courant : "l’Art-Mou" vive !

Quel est l’avenir de la création dans ces conditions ?

On parle depuis de nombreuses années de décentralisation culturelle. L’investissement des collectivités en la matière surpasse celui de l’État et l’on pourrait espérer que le recul du ministère dans l’ingérence culturelle puisse être positif pour la liberté de la création. Et pourtant…

La proximité plus grande des élus et des projets culturels dans la ville accroît l’interdépendance des impératifs électoraux et des choix esthétiques. Le créateur a besoin de moyens dont l’octroi subventionnaire par les pouvoirs locaux n’est jamais sans parti pris. Il s’agit bien d’un totalitarisme, discret, de proximité !

Par ailleurs, l’instrumentalisation culturelle, du fait de ces rapprochements hasardeux pourrait être plus grande encore. La culture-vitrine d’un programme électoral ou d’un élu est toujours espérée parce que cela est une légitimation d’idées subvertie par les promesses de subventions. Et le phénomène de médiatisation, pas très neuf, ne fait qu’accroître cette tendance.

À cela il faut ajouter la complexité technique (de cette technocratie culturelle) qui permet à un projet de voir le jour. L’action artistique et culturelle n’en sort pas grandie dans la mesure où il sera plus facile de choisir des événements dont on est sûr qu’ils aboutiront.

Moins de risque et plus de « cirque » donnent vie à la sécurité et au confort des artistes et du public, c'est-à-dire, dans la contradiction la plus dialectique qui soit, aux logiques les plus mortifères. Et les plus débilitantes.

Voilà le tourisme pointant sa grosse queue.

Et c’est là-dessus qu’il faut terminer. Avec Tocqueville, loin d’être l’intellectuel le plus révolutionnaire, il ajoute, le bonhomme, ce point d’interrogation, sur ce qu’il appelle le « despotisme doux ». Il décrit, tout simplement et parfaitement, le monde dans lequel nous sommes (cf. références plus bas).

Après qu'il ait décrit le nouveau « Léviathan » des temps modernes (pouvoir immense et tutélaire qui bouffe l’esprit critique du quidam et qui vide l'art de sa substance) qui veille paternellement sur chacun, on ne peut s’empêcher de penser au type de société qui se construit ici et ailleurs [1].

Ce passage montre simplement vers quoi peut aboutir la « crise de l’autorité », à savoir la légitimation citoyenne, autorité conçue comme fonds commun, garante de la liberté et notamment de la liberté créatrice. Voilà le glissement vers un autoritarisme qui ne dit pas son nom, qui ne se voit pas, mais qui, à travers la toute puissance du « loisir » et de son extension à l’appréhension de la création artistique bride jusqu’à la créativité et sa capacité à résister. Et cela est d’autant plus vrai lorsque la « résistance » ne se trouve pas ou plus d’objet.

Loo


[1] Cf. Tocqueville, De la démocratie en Amérique (TII, Quatrième partie, p. 385, Garnier-Flammarion).

vendredi 23 mars 2007

Garde à vous, gare à vous !

"Very rich fatum" Djü

Q
ue le souffle du vide est puissant. Il happe les pensées et le vertige empêche de se pencher trop profondément sur le gouffre. Surtout ne reste pas allongé, tranquille et calme, les soldats ne s’allongent que pour crever, sinon ils rampent.

Et tous nous rampons. On te dit que le monde est beau mais prévaut seulement la loi du plus fort, à cette différence près, contrairement au monde animal, que la violence humaine, « sapiente », peut être absolue, déliée des simples raisons de survie. Surtout ne reste pas assis, calme et tranquille, on pourrait croire que tu es faible. Seuls les leaders s’asseyent, et seulement quand ils sont sûrs de leur force.

Et tu t’endors mon vieux comme tout le monde, avec tes rêves de consommation, parce que c’est tout ce qu’il te reste. Victime de la mode. Tu regardes ton corps, on se regarde le corps, on compare, on remplace ou on jette. Il faut se bronzer en été, aller au ski en hiver, voyager au milieu des corps sans savoir, sans connaître, ou voyager tout court si cela suffit à remplir les vides, les silences et les absences. Ne reste pas debout, calme et tranquille, les gens biens ne se lèvent que pour montrer qu’ils agissent, pour se remplir en bouches avides et boulimiques.

C’est comme ça que l’on remplit le monde…Avec un entonnoir, comme on gave des oies. Ne reste pas calme et tranquille on pourrait croire que tu cherches, que tu réfléchis , que tu te questionnes, mais surtout que tu assumes. Ton fatum est riche, mais il faudrait qu’il soit pauvre pour ne pas déranger, car ton fatum est un autre, un étranger, un rythme propre et unique comme ton souffle. Universel mais pas uniforme.

Djü

mercredi 21 mars 2007

Baudrillard : Consommer le Corps.


Jean Baudrillard, New York, 1997


O
n peut aimer ou/et détester la prose de Baudrillard, mais qui pourrait dire qu’il y est insensible et qu’il s’en branle à peu près autant que le fatum ?

Oui, voilà, ce mortel est mort, son corps n’est plus d’aucun intérêt. Et le fatum, tout incorporel et sans âme qu’il est, -bien que « présent » dans toutes matières- continue sa route universelle et absolue.

Ce corps, en effet, s’est tu à jamais. Nous voilà bien baisé pour lui renvoyer sa théorie dans la face. À ce corps potentiellement consommable "de son vivant", il reste un corps à consommer avant putréfaction ! Pas vraiment attrayant. Même compensé par cet excellent cerveau certifié « viande française ».

En réalité, Baudrillard est un consommable, au-delà du corps. Dans l’idée, hautement valeureuse et vertigineuse, digestive, stomacale, du « rien ne se perd, tout se transforme ». Et il y a de quoi nourrir les esprits chez cet intellectuel. Ainsi, n’est-il même pas renvoyé à la brute consommation bactérienne de ses chairs. Seulement à la consommation et à la digestion du système Baudrillard!

Baudrillard est finaud. Même mort. Il nous laisse ses "affaires" et nos insuffisances. Ainsi faudra-t-il retenir de cet homme sa Société de consommation, livre dans lequel il développe sans concession une approche pour le moins appréciable du corps produit comme objet de consommation.

Le corps est au centre-même de la prostitution, comme son principe, lourd (et sourd), se constituant dans la vente et la consommation du sexe, du corps propre. Prostitution dépassant très largement le cadre de nos mal-aimées putes. La prostitution est le système même. Des macs, des consommateurs, des producteurs... L'objet par excellence, l'objet ultime et indépassable : le corps.

Avec ce pote, le Baudrillard, il est désormais l’heure, pour tous, de se reconnaître en prostituée de bas étage, en professionnel du sexe. Il faudra se dire "sous-pute", un grade un peu moins élevé, plutôt que pute réelle, c'est-à-dire en sous-marin, inconscient ! Et pour le coup, plus prostituée que "celui, celle", qui s’y adonne volontairement, en "entrepreneur", en comptable. Le professionnel, une fois le travail terminé, s'arrête. La "sub-pute" l'est jusque dans son sommeil, au travail et en dehors, sans même se l'avouer...

En attendant, nous sommes davantage en prostitution que la (le) prostitué(é) elle (lui)-même. Nos collègues, nos chefs, nos compagnons (ou compagnes), nos congénères, les serfs et, surtout, nos mères et nos pères, ceux que l'on juge sans jamais juger, qui éduquent et forment l'esprit sont, dans l’ensemble, ces "putes" pérennisant le métier ! Les prostitués elles-mêmes, les vraies, les pros (tous genres confondus) ne peuvent plus modéliser la logique. Elles sont happées, aspirées dans des logiques plus vastes, elles sont les subalternes, les aliénées d'un modèle économique qui fait d'elles des putes à temps complet, comme les autres : modèle occidental, mondialisé et ses modes de production et de consommation qu'il fallait bien propager...
Nous voilà bien plus « tapineurs » que nos soeurs, que nos frères, que nos pères d'antant. « Sous-pute », sub-pute, faudrait-il préciser. Comme subconscient, comme submersible ! Planqué. Et ça fait tourner la machine…

Surinterprétation ? Si peu!

Cette vérité est aussi attrayante qu'un sexe boursoufflé, humide du désir. Revenons au corps. Le féminisme s’est gentiment laissé aller... à dégrader métaphysiquement, intellectuellement, la situation des hommes et des femmes. Libération de la femme, qui durant des millénaires a dû faire face à la domination masculine ? Certainement. Avant cela, libération de la femme est surtout la libération du corps et plus tard sa libéralisation. Les "féminismes" n'auraient-ils pas finalement aboutit à la "sub-putisation" des femmes… et des hommes... Des hommes et des femmes à consommer sans modération. Pour faire tourner la machine...
Le corps de la femme comme « consommable » s’est étendu à celui du mâle. Bel égalitarisme homme-femme qui donne à voir l’avènement de cette humanité définie en corps consommables. Et le mâle se consomme enfin... Progrès ? La machine n'a jamais tourné aussi vite !

C’est anodin, c’est quotidien, devant la glace, encostumés, endimanchés au quotidien, soutenus par les icônes bienveillantes d'une presse manipulatoire et manipulée, quand se préparer, se "regarder", c'est se préparer à se vendre soi-même... et à consommer l'autre.

Point de moralisme dès qu’il s’agit de consommer. Ainsi, les corps redéfinis par le biais du « photoshop » pour fourbir au désir des corps improbables et retouchés finiront donc de produire dans l’Homme, la « sub-pute » qui dort en lui. Et voilà l’ère d’esthétiques chirurgies s’imposant comme sens et comme source de bien-être, effaçant au passage toute peur, toute angoisse de disparition et de mort, mais ne mettant pas tout à fait le psy au chômage. Et pour cause, c'est un travail d'équipe. Etre bien dans sa tête c'est être bien dans son corps et c'est sentir ce corps potentiellement vendable, consommable. Vive la psychanalyse ! Un autre sujet que celui-là, la médecine qu’il faudrait aborder, évidemment, à l’heur du docteur sacré, sacre dont il est question chez Baudrillard si peu difficile à vérifier. Il ne faut alors s'étonner de rien lorsque les trusts pharmaceutiques s'imposent parmi les plus puissants.

Sacré, sacré docteur Botox, mister Silicone, antidépresseurs et tout le tintouin…

Baudrillard résume ce bordel en citant un article extrait de la revue « Le Président » intitulé Pas de pitié pour les cadres » :

« 40 ans : la civilisation moderne lui commande d’être jeune… La bedaine, jadis symbole de réussite sociale, est maintenant synonyme de décadence, de mise au rancart. Ses supérieurs, ses subordonnées, sa femme, sa secrétaire, sa maîtresse, ses enfants, la jeune fille en micro-jupe avec qui il bavarde à la terrasse d’un café en se disant « qui sait ? »… Tous le jugent sur la qualité et le style de son vêtement, le choix de sa cravate et de son eau de toilette, la souplesse et la sveltesse de son corps… Il est obligé de tout surveiller : pli du pantalon, col de chemise, jeux de mots, ses pieds lorsqu’il danse, son régime lorsqu’il mange, son souffle lorsqu’il grimpe les escaliers, ses vertèbres lorsqu’il fait un effort violent. Si hier encore dans son travail l’efficacité suffisait, aujourd’hui on exige de lui au même titre forme physique et élégance. Conscient que sa réussite sociale dépend entièrement de l’image que les autres ont de lui, que sa forme physique est la carte maîtresse de son jeu, l’homme de quarante ans cherche son second souffle et sa deuxième jeunesse. »

Voilà qui parle. D’autant plus que le XXIè siècle se trouve marqué par le fait que la première jeunesse, nos enfants, se trouvent plus directement et plus violemment concernés par ce « second souffle du quadra! Drôle de maturité d'enfant. Drôles d'adultes à venir. Des gamins comprenant très vite l'enjeu de l'apparat, de la beauté, de la séduction. Et ça fait tourner la machine.

Mais avec des parents, des "sub-putes", en éducation, en valeurs, des adultes encore plus dangereux pour leurs enfants que ce monde dans lequel il faut bien évoluer. A moins qu'ils ne sauvent. "Là où il y a danger, croît aussi ce qui sauve", disait Hölderlin. Peut-être la naissance d'une intelligence consciente de nos errances, déniant nos dévoiements et nos chaînes, et prête à faire sauter les mécanismes de la machine...

Les gamins : très tôt (4, 5, 6 ans?), se fixent déjà dans ces logiques d'apparat et d'appât, d’abandon de soi aux sirènes du corps consommable et de sa mise à prix. Le corps, "la chose" par excellence, la chose des choses, cet "obscur objet du désir", l'objet le plus désiré en même temps qu'il est ce par quoi arrive le désir des objets. L'invention du "mouvement perpétuel". Et la "machine" se pérennise.

Le mouvement est effrayant et jamais considéré. Voilà où nous en sommes après cette « libération » des corps qui, en réalité, ne fut qu’une libéralisation du corps, pour un devenir économique qui "produit" de la "consommation" (d'où ce sublîme postérieur accompagnant ce pot yaourt si peu sexy). Peut-on considérer le corps comme étant réellement libéré ? Pas si sûr. D'autant, comme le propose Baudrillard, que l'objet de consommation "corps" est une forme subtile de contrôle social.

Voilà le corps rendu aux potentialités d'un actionnariat dont les fondements restent l'humain dans sa faiblesse, faiblesse nichée pas loin de mystifications telles que le "désir de bonheur", l'espoir d'une vie bienheureuse résumée dans la possibilité de consommer. Je consomme donc je suis. Pour y accéder : "Sub-pute", la prostitution masquée...

Dans le même temps, rien d’étonnant lorsque l’on sait qu’une fesse peut faire l’objet d’un contrat d’assurance, comme d’un genou, d’une bite (si, si) mais, étrangeté: le cerveau ne s’assure pas!!! Point encore. Ce bout de viande n’est pas encore assez lucratif « comme » bout de viande érotique. Pas assez sûr comme investissement, pas assez connu, pas assez maîtrisé? Pas assez excitant ? Les viandes ne se valent pas, décidément!

Le corps est pourtant une affaire de bactéries, de virus, de pisse, de cellules, de sperme, de merde, d'ovules, d'éructations, de fluides, d'odeurs, d'humeurs, de vie en somme... Sexy? Pas trop.

Non, mais le corps préparé, empaqueté, épilé, retapé, "karchérisé", le corps plastique, esthétisé, marketté, le corps libéralisé, industrialisé et sacralisé, le corps économique, produit à consommer et à faire consommer, ce corps-là, débarrassé de ses fluides honteux est hype et sexy !

Enfin, précisons que « prostituer » c’est, d’abord et avant tout, « avilir ».

Baudrillard aura aidé...

Loo

Poids lourds et Propagande

Photo de Lud
Titre: "Truck"






Un peu de poésie...
Fatum
ne résiste pas à rendre compte de la publication de ce décret spéciale "propagande présidentielle" au JO.



J.O n° 67 du 20 mars 2007 page 5076

texte n° 4
"Décrets, arrêtés, circulaires
Textes généraux
Ministère de l'intérieur et de l'aménagement du territoire

Arrêté du 12 mars 2007 portant dérogation à l'interdiction de circulation des poids lourds en fin de semaine dans le cadre de l'élection présidentielle et des élections législatives

NOR: INTD0700224A


Le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, et le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer,

Vu le code de la route, et notamment l'article R. 411-18 ;

Vu l'arrêté du 28 mars 2006 relatif à l'interdiction de circulation des véhicules de transport de marchandises à certaines périodes, notamment l'article 1er ;

Considérant la nécessité de garantir, dans le cadre de l'organisation matérielle du premier et du second tour des élections présidentielle et législatives se tenant en 2007, l'acheminement aux électeurs de la propagande des candidats avant la tenue de ces opérations électorales.

Arrêtent :

Article 1

L'interdiction, en application du deuxième alinéa de l'article 1er de l'arrêté du 28 mars 2006 susvisé, pour les véhicules ou ensembles de véhicules de plus de 7,5 tonnes de poids total autorisé en charge affectés au transport routier de marchandises de circuler les samedis et veilles de jours fériés à partir de 22 heures jusqu'à 22 heures les dimanches et jours fériés est levée pour les poids lourds assurant l'acheminement de la propagande des candidats à l'élection présidentielle et aux élections législatives, aux dates suivantes :

- pour l'élection présidentielle, les samedi 7 avril, dimanche 8 avril, lundi 9 avril, samedi 28 avril et dimanche 29 avril 2007 ;

- pour l'élection législative, les mardi 1er mai, samedi 26 mai et dimanche 27 mai 2007.

Article 2

Le directeur des libertés publiques et des affaires juridiques au ministère de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, le directeur de la sécurité et de la circulation routières au ministère des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent arrêté, qui sera publié au Journal officiel de la République française.

Fait à Paris, le 12 mars 2007."


Que de poésie, s'il en est...

"Propagande", "citoyen", "libertés publiques", "ministère de l'intérieur", "sécurité", tout cela dans le même décret!!! La classe...


lundi 19 mars 2007

Tirez sur le soliste…

photo de Djü

Resterons nous seuls ?

Isolés, en terre aride, unique ami, unique enfant de cette matrice qui n’enfante plus que du vide, rongé par la culpabilité virtuelle d’avoir voulu échapper à l’irréversible mécanique animale. Tu es né bête, deviens moins que cela.

Resterons nous seuls ?

Non, les communautés nous embrassent déjà. N’embrassent-elles pas « toujours » les orphelins, et bien des pères et mères ne doutent pas d’enfants qui ne sont pas de leur sang. Ô bien aimée différence qui transcende les peuples et les transporte à la compréhension profonde de ce mot religieusement bafoué, si religieusement galvaudé que l’on craint de l’utiliser, tant on en a perdu le sens : Tolérance.

Mieux vaut rester seulement soi.

Resterons nous seuls ?

Quelles craintes pourraient bien nous en empêcher ? Pourquoi craindre, hommes et femmes, de ne plus subir les assauts de la tendresse la plus charnelle ? Pourquoi craindre « l’anamour », craindre la fin des coupables tentations, craindre les reproches, la mauvaise foi, les déclarations emportées, la maladresse des premiers émois et des dernières réminiscences du désir perdu ? Pourtant il n’y a pas d’éternité, justement pas d’éternité. Le savoir ne suffit pas. Savoir c’est être seul.

Resterons nous seuls ?

Ces questions n’ont d’intérêt que dans de seul fait d’être posées. Belle quête d’universalité qui existe malgré nous, en nous, sans nous. Belle quête que de vouloir se réapproprier le sens de ce qui ne nous a jamais appartenu, à soi seul, et quel paradoxe, si parfait qu’en assumer la raison est une solitude.

Restons donc seuls ensemble, les coudes serrés, solidaires devant la masse informe, la bouche insatiable qui voudrait tout avaler, tout lisser et tout faire oublier.


Djü.

vendredi 16 mars 2007

"Risquer le malheur"*

" La première des inégalités est d'ordre génétique. Ce qu'on appelle le bonheur et le malheur - je parle ici du sentiment de bonheur ou de malheur, et non de la réalité extérieure qui les déclenche - est lié, entre autres, à la production par l'organisme d'une substance chimique, qui est un antidépresseur naturel.

Or les individus - chez les humains comme chez les primates et d'autres espèces animales - ne sont pas égaux à cet égards. Il y a des gros transporteurs et des petits transporteurs de sérotonine.

En fin de grossesse, déjà, les émotions - euphorie, dépression, stress - de la femme qui nous porte participent au façonnement de nos synapses. Les molécules qu'elle sécrète franchissent très vite le filtre placentaire et modifient le développement du cerveau. Donc le bébé hérite non seulement des gênes mais d'une partie de l'histoire de la mère.

C'est un véritablement bouillonnement. Les neurones pionniers envoient des ramifications (les "dendrites") dans toutes les directions, à la recherche d'autres neurones, pour se connecter à eux. La moindre information est aussitôt "circuité" ("frayée", disait Freud, qui avait parfaitement pressenti ce phénomène), créant une sensibilité préférentielle, une propension à réagir d'une manière donnée face à un évènement extérieur, à des attitudes ou des mots. Exactement. Si dans ses premières années un enfant a fait l'expérience du chagrin et du secours, c'est "frayé" dans son cerveau. Il a appris l'espoir.

Passé la petite enfance, le cerveau perd sa plasticité initiale. La synaptisation est plus lente. Les circuits sont imprégnés. L'enfant a circuité un goût du monde, un style interactionnel. Les fondations sont en place, mais le chantier se poursuit. Au ralenti. Il va y avoir une transaction entre ce qu'on est et ce qui est. Dans la majorité des cas, à l'adolescence, les choses se passent bien. Les garçons rencontrent une fille, ils savent la courtiser, gouverner leurs émotions. Si l'on prend à l'inverse, une population d'enfants en détresse, arrivés à l'adolescence, ils ne savent pas aimer. Ils ont peur, il sont brutaux, ou au contraire ils fuient. Ils s'infligent à eux-mêmes la perte du premier amour ou le vivent dans l'anxiété. Le plus souvent, les choses se passent mal.

Le monde des âgés n'est pas le monde des jeunes. Celui des jeunes est sensoriel plus que représentationnel. Le monde sensoriel qui entoure les âgés s'appauvrit, tandis que leur monde intime de représentations s'enrichit. Par la culture. Elle constitue les "tuteurs de développement" dont les âgés ont besoins, comme les jeunes enfants. Si j'ai dans mon monde mental un seul modèle, je suis prisonnier. En sécurité, mais prisonnier. Je ne pense plus, je récite. Je suis mort psychiquement. A l'inverse, si je n'ai pas de modèle, je suis confus, je ne sais pas qui je suis. Entre les deux, il y a Michel Foucault : " Tout modèle est nécessaire et abusif". J'ai besoin d'un système de pensée, d'une culture, et j'ai besoin de la critiquer. A ce moment là, je sais qui je suis et où je vais. J'ai assez d'étayage pour être sécurisé, mais je ne suis pas enfermé. Je suis vivant.

En effet. La meilleure méthaphore de l'existence, c'est sans doute celle qu'à proposée Anna Freud en comparant la vie à une partie d'échecs : les premiers coups sont très importants, mais tant que la partie n'est pas terminée il reste de jolis coups à jouer. "

* Boris Cyrulnick, propos recuillis par Claude Weill.
Extraits remaniés.

Marta.

jeudi 15 mars 2007

Des hères, du travail, du fatum...

Hères, pauvres hères, damnés de la terre, pauvres, pauvres consentants que nous sommes!

Nous y voilà. À notre condition -dont, soit dit en passant, se fout royalement le fatum, notre bon ami- voilà à quoi se réfère notre misère. Oui, il s’en fout notre bien aimé fatum, pour la simple raison qu’à défaut d’être un Je, il n’est pas un Il et moins encore un On. Alors il s'en fiche. Il n’est rien, mais il est tout. Sans être quelque intelligence organisatrice et créatrice de pacotille, fatum n’en est pas pour autant un Néant. Du moins pas à l’échelle de l’existence que les singularités que nous sommes s’évertuent, ici et là, à mener à la vue, à l'oreille, en suivant le son furtif et discret de l’univers plutôt que le bruit grossier de la raison sociale, économique, de raisons idéologiques. Il faut former l'oreille.

Fatum est un être à venir. Fatum se branle, branle son non-corps, sa non-bite, son non-clitoris, fatum (se) branle, fatum, destine, oriente en énergie universelle et sans volonté, fatum fait sans rien faire, à travers ceux qui veulent et qui font, fatum se gausse, mais il n’a point de bouche, il se branle encore et encore de toute intellectualisation, de tout rationalisme. Fatum est un non(mais pas nihiliste) aux fixismes, aux rigides, à la maîtrise. Il est le monde expansif, un genre de Présence de l’Etre-Devenant déjà orienté vers une finalité qui toujours se réoriente, un destin dont la destination est toujours inconnue, une Natura sans Deus sur laquelle le petit homme voudrait plaquer du sens. Pour se sentir moins seul et, surtout, moins largué. Fatum destine...

A bien considérer ce vide sidéral, il ne reste plus, pour la rationalité, que le désir d'« éthique » dans la vie, devant les pragmatismes, les utilitarismes, les moralismes, les « ismes » organisationnels.

Oui, l'organisation, c’est confortable, pour naître, pour résoudre les contradictions relatives à notre rapport au monde, pour mourir aussi. Pour mourir ici, maintenant, pour mourir dès lors que l’on est sorti du vagin organisé, délimité par les lois, pour mourir ex utero, utérus rationnel, social, éducationnel, matrice gestatrice, productrice de "vies" policées, d'esprits prompts à l'autocensure, connivents avec la pensée dominante, consensuels et mous parce qu'il en faut un minimum pour faire tourner la machine. Notre "réel": passage d'une matrice à une autre, d'un "utérus" à un autre, d'une gestation à une autre. Du biologique au politique, simple changement de repères, de perspective. Mais cette vie conçue en termes numéraires, statistiques, de gestion du vivant humain, un peu à la manière de ces tritons et autres bêbêtes qu'il faut sauver avec des recettes de grands-mères débattues et votées à l'assemblée pour que vive dans un bonheur tout rose et joyeux la société organisée des tritons (… Natura 2000), cette "vie" est en contradiction avec la condition de cet être "condamné à la liberté", en contradiction avec le bios anthropos.

Quel horrible nom, d'ailleurs, pour une recette de grand-mère et pour « sauver » les tritons, on dirait une pub pour le TGV ou pour un modèle de voiture. Ils nous emmerdent royalement les tritons, ils s'en foutent des plans de sauvetage... à la manière du fatum qui continue de s'en ficher ! Mais on a peur, TOUT D’UN COUP. On fait pas les malins. Les tritons, les nénéphants, les tigrous, les bibiches, les meuhmeuh (ah non, pas elles), les cococodiiiiles et tout ce bordel… Et l’homme, maman dit ? Zut alors. Il ne s’agit finalement ni des cocococococodiles, ni des bibiches… Il s’agit de nos tronches de débiles mises face à nos propres contradictions et à nos organisations mortifères et morbides, à notre histoire assez peu reluisante.

Tout cela, la quasi-totalité des politiques "humanistes" l’a oublié. Ou alors ne l’a jamais véritablement intégré. Elle a consciemment éludé le problème pour l'intérêt d'une oligarchie et celui, aujourd'hui, de cyniques ploutocrates. C'est la conscience du véritable FAINÉANT. Ainsi, nos énarques, valets de seigneurs invisibles seraient les plus faignasses et certainement pas les plus libres en termes de pensée de l'humain ou de modèles ambitieux refusant toute instrumentalisation des individus. Cela n'est pourtant pas faute du manque d'inspirateurs jalonnant l'histoire des idées.

Finalement, plus l’on se réfère à la valeur « travail » et plus l’on est en fainéantise, plus on est également dans des logiques d'aliénations. Le travail, dont l'étymologie (tripalium) nous rappelle la barbarie est, comme valeur, quelque chose d'absolument rétrograde et résolument conservateur. Les voilà nos "faiseurs de monde" : des seigneurs gestionnaires, des actionnaires, des petits chefs, des cadres, des travailleurs fainéants. Il s'agit essentiellement de recadrer le monde, de le limiter en activité valorisante, valorisée et validée par nous, les suiveurs, validée par notre propre fainéantise pour assurer à une caste et à ses descendants le meilleur des mondes. Voilà l’autre du fatum. Mais il s'en fiche. Et pas qu'un peu.

Alors, le fatum, c’est l’autre de toute société érigée en vaste aire de jeu économique, comme la société est l’autre de la vie et, donc, de la mort. Avant même de savoir vers quoi le fatum porte la pensée de la vie, car il la porte, il faudrait en effet reconnaître que nos organisations se constituent contre la vie. Et donc contre le fatum. L’obligation de résultats que l’on retrouve jusque dans les totalitarismes les plus exemplaires est une manière de rendre muette, inaudible, cette "parole" du fatum, un murmure couvert par le brouhaha incessant des incantations gesticulantes d'icônes cathodiques et emprunte de la solennité nécessaire à faire peser les mots, fussent-ils creux.

L’organisation prend ainsi le pas sur l’essentiel que constitue la condition dans laquelle on se trouve, pour ainsi dire, jeté dès lors que naît à la vie le langage, la conscience, cette étrangeté qui produit la distance minimale entre le biologique et « l’humanitude », entremêlement de déterminisme et d'indéterminé, un "à déterminer".

Aussi, il faudra d’autres valeurs que celles portées par ce débilitant Nicolas, cette communiquante de Ségolène, plus douce il est vrai mais un tantinet démagogue pour le moment, et ce trublion de François qui réussit le tour de force de de se présenter comme la nouveauté et la radicalité du changement tant attendu. Avec ce genre de radicalité, il faudra redéfinir les mots "révolution", "subversion", "transgression", etc. Reste le reste, exceptée la droite extrême qui développe à l'extrême des tendances rampantes, des germes déjà là. Ce reste, un peu facilement réduit à ses vues irréalistes et irréalisables est, certes, tout autant idéologique, mais il dépasse le cadre habituel du raisonnabilisme financier et de son réalisme tout aussi parfaitement idéologique, ce reste, donc, propose quelques tentatives dignes d'intérêt pour des modèles d'humanité, pour des modèles de vie.

Et ça, ça fait un peu fatum ! Qui s’en branle, certes.

Loo.

dimanche 11 mars 2007

Francis Ponge : le "suscitateur".


Parce que le fatum est aussi la vie, il aime à susciter dans la variété de singuliers sentiments. Des ambiances de l'âme, des désirs sans noms, des possibles sans corps. Et ce texte du Francis, intemporel... Pour le plaisir. Ne pas le bouder. Allons-y!

loo.


JE SUIS UN SUSCITATEUR

1er mars 1942

2 heures du matin

Je m’aperçois d’une chose : au fond ce que j’aime, ce qui me touche, c’est la beauté non reconnue, c’est la faiblesse d’arguments, c’est la modestie.

Ceux qui n’ont pas la parole, c’est à ceux-là que je veux la donner.

Voilà où ma position politique et ma position esthétique se rejoignent.

Rabaisser les puissants m’intéresse moins que glorifier les humbles.

Les humbles : le galet, l’ouvrier, la crevette, le tronc d’arbre, et tout le monde inanimé, tout ce qui ne parle pas.

On ne fait pas plus chrétien (et moins catholique).

Le Christ glorifiait les humbles.

L’Eglise glorifie l’humilité. Attention ! Ce n’est pas la même chose. C’est tout le contraire.

Le Christ rabaissait les puissants.

L’Eglise encense les puissants.

« Debout ! Les damnés de la terre. »

Je suis un suscitateur.

Francis Ponge

vendredi 9 mars 2007

Une première série de photos de Tibarama! Un fatum-photographe...

Voilà un peu de matos pour les fatum-iconoclastes mais aussi pour les fatum-iconolâtres. Tibarama s'exprime sur différents supports, la photographie étant son péché mignon.









jeudi 8 mars 2007

De la propreté ou de la crasse?

"Pure" by Tibarama



Et l’on tombe, toujours et encore, en une chute interminable et non exempte d’obstacles ! Ainsi fatum s’est-il fracassé le museau sur un article aride dont la source n'est autre que notre très respectable Libération. Plutôt que d’article il faudrait parler de chronique puisque la chose, classée sous la rubrique « Vous », un rien racoleuse n’est pas signée. Ce « vous » un tantinet léger se propose, le 7 mars 2007 de nous entretenir de notre rapport (de « Nous-même » enfin!) à la propreté et à la crasse. Le machin s’intitule « D’une propreté crasse » (par ici les cocos) et nous fait le récit, exemples et spécialiste à l’appui, de la haute teneur culturelle du « propre » et du « crado ».

Pas la peine de s’attarder sur l’article. Seul comptera ici l’analyse qu’en fait une certaine Federica Tamarozzi et, à sa décharge, du moins vaut-il mieux le croire, de la tambouille qu’en fait le journaliste sans nom qui, faute de temps, aura torché sa misère sur le coin d’un écran informatique poussiéreux dont le cadre jauni supporte les dizaines de post-it destinés à rappeler les urgences et idées urgentes à ne pas oublier.

Néanmoins, notre spécialiste, Federica de son petit nom, est présentée comme ethnologue par notre gentillet journaleux, et l’on se risquera si peu à lui ajouter quelque compétence en sociologie qu’il serait dommage de s’en abstenir. Ainsi, Féderica la douce est ethnologue... ET sociologue. Voilà qui commence bien. Y a la machine encéphalique qui se met en branle, qui salive devant un plat d’idées qui s’annonce savoureux, on se met en situation, histoire de faire durer le plaisir et le suspens, un petit cédé de Paula West donnant l’ambiance, et l’avant-avant-avant-avant-avant-avant-avant-avant(….), l’anté-anté(….)-pénultième cigarette se consumant déjà en un plaisir râleur mêlé d’une lascivité sourde dénuée par ailleurs de toute concupiscence : le sujet est sérieux ! M’enfin, pour la défense du fatum, Federica nous en promet des kilos, de ce bonheur en barre si cher à nos yeux.

Mais avant de poursuivre, il faut s’arrêter un instant sur notre déjà très chère Federica. Outre le fait qu’elle nous soit présentée comme ethnologue au musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée, une petite recherche (toute petite, car notre sujet n’est pas la douce Federica mais bien la crassitude évaluée au regard de la propritude) nous propose en première occurrence du Gogole en chef (le bien nommé Google) un très sérieux travail sur les Miss intitulé : Les Miss, construction de l’identité féminine. L’étude prend comme cadre l’élection de Miss Italie dans la ville de Salsomaggiore, joli petit coin ne serait-ce que pour sa pittoresque consonance. Nous ne nous attarderons ni sur les objectifs et questions de la belle et de son acolyte (elles s’y sont mises à deux), ni sur la description et la méthodologie du matos en question pour ne retenir de cette publication de haute volée que les résultats dont vous est livrée ici intégralement la note des deux miss :

« Les jeunes candidates sont considérées comme des ambassadrices de la beauté et plus encore d’un modèle de la femme jeune et saine. La Miss est, elle, placée entre la sainte et la putain, entre la jeune fille « pure » et « moderne » car elle incarne son époque, une époque où la consommation apparaît centrale. C’est ainsi que tout au long du concours, elles se font mannequin promouvant des marques, certains diront « marchandises ». Ce n’est qu’après la passation, à la fin de ce parcours, lorsque la Miss aura cédé son rôle à une autre jeune femme, qu’elle choisira plus librement son destin professionnel et familial. C’est aussi le moment où elle se dénudera plus franchement. Le corps de la Miss qui franchit à la fois les seuils de l’intime et du public, du caché et du montré, du pudique et de l’érotique est un bon exemple pour creuser la question de la construction paradoxale et extrême des figures féminines. Cette construction de la féminité apparaît dans un jeu de tensions, dans le franchissement de seuils, qui nous font dire du corps de la Miss, qu’il est bien un corps extrême, extrême dans les mises en scènes qui lui sont imposés, extrême car il propose et pose les limites des représentations féminines. Les élections de Miss favorisent donc l’apprentissage de ces ambiguïtés, la formalisation d’une norme d’exception.
Les élections de Miss sont également de bons exemples pour cerner les mécanismes d’évaluation de la beauté et les critères qui la formalisent. La mesure physique n’est pas suffisante pour distinguer une lauréate. Le jury fait son expertise en tenant compte à la fois de normes rigoureuses et d’impressions personnelles, mêlant mesurable et non-mesurable, objectivité et subjectivité. »

Voilà qui s’avère croustillant à souhait !

Sauf que les Miss et leurs mises en scène, à défaut de représenter l’extrème de la féminité ou du corps féminin, représentent d’abord et avant tout le cirque de ce que l’on pourrait appeler –sans mépris- la norme de la beauté « sous-prolétarienne ». La miss et son élection ont plus à voir avec les défilés de supermarché qu’avec ceux de son extrême pendant, ceux de la haute couture et de son élite. Une sous-culture de l’officiel culte du beau corps et de la norme véritable des corps de la Mode.

Les miss, c’est charmant, c’est désuet, c’est kitch, c’est assez beauf. Les miss, c’est saucisses-merguez, familles au complet, Riri Fifi et Loulou, sono saturée, costumes lamés et paillettes à gogo, c’est princesses en toc, jurys de croulants libidineux, musique de merde et scénographies de salles des fêtes. On peut espérer que l’extrême de la féminité ne se trouve ni ici, ni de l’autre côté, celui de la Mode, mode dont on peut dire qu'elle est, comme monde, à peu près aussi décérébrée que celui des miss, mais du côté des riches, des stars et des puissants, un extrême branché, cultivé, créatif, d’avant-garde, underground, borderline, camé et anorexique à en croire nos respectables médias.

Mais l’élection de la miss est un rituel de passage !!! Soit.

Notre bien aimable Federica est maintenant présentée. Et en ethnologue confirmée, nous comptons sur ses subtilités pour nous trouver du rituel de passage au travers du fil tendu entre la propreté et la saleté :

« La propreté, nous dit la belle, est un concept relatif que chacun compose différement selon les situations et les individus croisés, un peu comme une danse ».

Comme la danse… Comme La musique ? la cuisine ? La sexualité ? L’art ? L’animal ? Les mœurs ? La beauté ? Non, la danse. LA DANSE! Dans quel rapport au monde, dans quelle relation à sa chair ? La danse comme rapport à soi et à l’autre ? Ah d’accord… Ok, ok, la danse comme expressivité du corps et tout et tout. Mais c'est bien sûr. Elle assure la petite!

Un peu plus loin, il est dit que la propreté est affaire d’éducation, de culture familiale, d’impératifs sociétaux, il est dit que la propreté est affaire de perspective (un cheveux sur la tête est plus propre que sur le carrelage d’une salle de bain). Et tout le tintouin. D’accord, ok, ok.

Enfin, l’argument-choc qu’introduit le journaleux sur le malade qui, c’est bien connu, pue la charogne: le malade n’a d’autre ambition, une fois rétabli, que de se faire une séance de spa pool, épilation du maillot et/ou du menton et gommage du corps. Certes. Et notre bonne Federica d’ajouter : « ne pas respecter les règles d’hygiène, c’est se mettre en marge, comme les SDF ou les dépressifs qui se laissent aller ».

Elle a la classe la Federica. Elle est trop forte ! On comprend que Libé n’ait pu faire autrement pour éclairer ce sujet que de faire appel à la belle. Et dire que nous restions persuadé, il est vrai que les idées reçues ont la vie dure, que les SDF rencontraient des difficultés, entre autres pour les questions d’hygiène, pour la raison qu’ils étaient, qu’ils sont des sans-toit. Dire que nous nous sommes bercés de tant d’illusions sur le fait qu’ils ne dansaient pas ou mal, les bougres, pour la raison qu’ils se trouvaient lourds de leur crasse alors qu'il leur suffisait de se laver dans les fontaines, dans les chiottes de cafés, dans les gares ou dans des centres sociaux miteux, sous la pluie (en plus c'est très romantique), dans les caniveaux, les fleuves. Les possibilités ne manquent pas!

Dire que tous les crados, les puants-suants-dégoulinants qui parfois étaient nos professeurs, nos voisins, nos proches, n’étaient en tout état de cause que des dépressifs ! Nous aurions souhaité les voir danser. Ils en auraient été bien incapables. Une danse d’éclopés tout au plus.

Il est vrai que nos mythes nous donnent à voir les méchants en crados et nos héros en proprets. Mais il serait peut-être intéressant d’en connaître la Généalogie qui, pour le coup, est certainement baignée de morale. La miss, dans sa pureté virginale à la limite de la débilité, est propre, sans aucun doute. Le pape quant à lui est immaculé! A l'opposé, le marginal, l’asocial, l’impur, et le diable sont "crado", dussent-il se laver trois fois par jour et se parfumer de Chanel 5.

A bon entendeur, gare à vos fesses les dégueux...

Merci Federica, merci Libé !


Loo.

vendredi 2 mars 2007

Des fatum photos de DJÜ

Les arts seront à l'honneur. Tous. Alors en attendant la fatum-zique, la fatum-peinture, la fatum-vidéo... La fatum-photo sera la première.

Voilà donc une première série du travail riche et agréable à matter d'un certain Djü, musicien de son état par ailleurs. Les liens bientôt.