" La première des inégalités est d'ordre génétique. Ce qu'on appelle le bonheur et le malheur - je parle ici du sentiment de bonheur ou de malheur, et non de la réalité extérieure qui les déclenche - est lié, entre autres, à la production par l'organisme d'une substance chimique, qui est un antidépresseur naturel.
Or les individus - chez les humains comme chez les primates et d'autres espèces animales - ne sont pas égaux à cet égards. Il y a des gros transporteurs et des petits transporteurs de sérotonine.
En fin de grossesse, déjà, les émotions - euphorie, dépression, stress - de la femme qui nous porte participent au façonnement de nos synapses. Les molécules qu'elle sécrète franchissent très vite le filtre placentaire et modifient le développement du cerveau. Donc le bébé hérite non seulement des gênes mais d'une partie de l'histoire de la mère.
C'est un véritablement bouillonnement. Les neurones pionniers envoient des ramifications (les "dendrites") dans toutes les directions, à la recherche d'autres neurones, pour se connecter à eux. La moindre information est aussitôt "circuité" ("frayée", disait Freud, qui avait parfaitement pressenti ce phénomène), créant une sensibilité préférentielle, une propension à réagir d'une manière donnée face à un évènement extérieur, à des attitudes ou des mots. Exactement. Si dans ses premières années un enfant a fait l'expérience du chagrin et du secours, c'est "frayé" dans son cerveau. Il a appris l'espoir.
Passé la petite enfance, le cerveau perd sa plasticité initiale. La synaptisation est plus lente. Les circuits sont imprégnés. L'enfant a circuité un goût du monde, un style interactionnel. Les fondations sont en place, mais le chantier se poursuit. Au ralenti. Il va y avoir une transaction entre ce qu'on est et ce qui est. Dans la majorité des cas, à l'adolescence, les choses se passent bien. Les garçons rencontrent une fille, ils savent la courtiser, gouverner leurs émotions. Si l'on prend à l'inverse, une population d'enfants en détresse, arrivés à l'adolescence, ils ne savent pas aimer. Ils ont peur, il sont brutaux, ou au contraire ils fuient. Ils s'infligent à eux-mêmes la perte du premier amour ou le vivent dans l'anxiété. Le plus souvent, les choses se passent mal.
Le monde des âgés n'est pas le monde des jeunes. Celui des jeunes est sensoriel plus que représentationnel. Le monde sensoriel qui entoure les âgés s'appauvrit, tandis que leur monde intime de représentations s'enrichit. Par la culture. Elle constitue les "tuteurs de développement" dont les âgés ont besoins, comme les jeunes enfants. Si j'ai dans mon monde mental un seul modèle, je suis prisonnier. En sécurité, mais prisonnier. Je ne pense plus, je récite. Je suis mort psychiquement. A l'inverse, si je n'ai pas de modèle, je suis confus, je ne sais pas qui je suis. Entre les deux, il y a Michel Foucault : " Tout modèle est nécessaire et abusif". J'ai besoin d'un système de pensée, d'une culture, et j'ai besoin de la critiquer. A ce moment là, je sais qui je suis et où je vais. J'ai assez d'étayage pour être sécurisé, mais je ne suis pas enfermé. Je suis vivant.
En effet. La meilleure méthaphore de l'existence, c'est sans doute celle qu'à proposée Anna Freud en comparant la vie à une partie d'échecs : les premiers coups sont très importants, mais tant que la partie n'est pas terminée il reste de jolis coups à jouer. "
* Boris Cyrulnick, propos recuillis par Claude Weill.
Extraits remaniés.
Marta.
Or les individus - chez les humains comme chez les primates et d'autres espèces animales - ne sont pas égaux à cet égards. Il y a des gros transporteurs et des petits transporteurs de sérotonine.
En fin de grossesse, déjà, les émotions - euphorie, dépression, stress - de la femme qui nous porte participent au façonnement de nos synapses. Les molécules qu'elle sécrète franchissent très vite le filtre placentaire et modifient le développement du cerveau. Donc le bébé hérite non seulement des gênes mais d'une partie de l'histoire de la mère.
C'est un véritablement bouillonnement. Les neurones pionniers envoient des ramifications (les "dendrites") dans toutes les directions, à la recherche d'autres neurones, pour se connecter à eux. La moindre information est aussitôt "circuité" ("frayée", disait Freud, qui avait parfaitement pressenti ce phénomène), créant une sensibilité préférentielle, une propension à réagir d'une manière donnée face à un évènement extérieur, à des attitudes ou des mots. Exactement. Si dans ses premières années un enfant a fait l'expérience du chagrin et du secours, c'est "frayé" dans son cerveau. Il a appris l'espoir.
Passé la petite enfance, le cerveau perd sa plasticité initiale. La synaptisation est plus lente. Les circuits sont imprégnés. L'enfant a circuité un goût du monde, un style interactionnel. Les fondations sont en place, mais le chantier se poursuit. Au ralenti. Il va y avoir une transaction entre ce qu'on est et ce qui est. Dans la majorité des cas, à l'adolescence, les choses se passent bien. Les garçons rencontrent une fille, ils savent la courtiser, gouverner leurs émotions. Si l'on prend à l'inverse, une population d'enfants en détresse, arrivés à l'adolescence, ils ne savent pas aimer. Ils ont peur, il sont brutaux, ou au contraire ils fuient. Ils s'infligent à eux-mêmes la perte du premier amour ou le vivent dans l'anxiété. Le plus souvent, les choses se passent mal.
Le monde des âgés n'est pas le monde des jeunes. Celui des jeunes est sensoriel plus que représentationnel. Le monde sensoriel qui entoure les âgés s'appauvrit, tandis que leur monde intime de représentations s'enrichit. Par la culture. Elle constitue les "tuteurs de développement" dont les âgés ont besoins, comme les jeunes enfants. Si j'ai dans mon monde mental un seul modèle, je suis prisonnier. En sécurité, mais prisonnier. Je ne pense plus, je récite. Je suis mort psychiquement. A l'inverse, si je n'ai pas de modèle, je suis confus, je ne sais pas qui je suis. Entre les deux, il y a Michel Foucault : " Tout modèle est nécessaire et abusif". J'ai besoin d'un système de pensée, d'une culture, et j'ai besoin de la critiquer. A ce moment là, je sais qui je suis et où je vais. J'ai assez d'étayage pour être sécurisé, mais je ne suis pas enfermé. Je suis vivant.
En effet. La meilleure méthaphore de l'existence, c'est sans doute celle qu'à proposée Anna Freud en comparant la vie à une partie d'échecs : les premiers coups sont très importants, mais tant que la partie n'est pas terminée il reste de jolis coups à jouer. "
* Boris Cyrulnick, propos recuillis par Claude Weill.
Extraits remaniés.
Marta.
2 commentaires:
C'est marrant, le prochain texte que je prépare traite de la "fortune"; C'est étonnant comme les sujets qui nous tiennent à coeur se croisent
Djü
c'est le destin mec! le point de mire, la ligne de fuite..... ?
a +
marta
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