dimanche 11 mars 2007

Francis Ponge : le "suscitateur".


Parce que le fatum est aussi la vie, il aime à susciter dans la variété de singuliers sentiments. Des ambiances de l'âme, des désirs sans noms, des possibles sans corps. Et ce texte du Francis, intemporel... Pour le plaisir. Ne pas le bouder. Allons-y!

loo.


JE SUIS UN SUSCITATEUR

1er mars 1942

2 heures du matin

Je m’aperçois d’une chose : au fond ce que j’aime, ce qui me touche, c’est la beauté non reconnue, c’est la faiblesse d’arguments, c’est la modestie.

Ceux qui n’ont pas la parole, c’est à ceux-là que je veux la donner.

Voilà où ma position politique et ma position esthétique se rejoignent.

Rabaisser les puissants m’intéresse moins que glorifier les humbles.

Les humbles : le galet, l’ouvrier, la crevette, le tronc d’arbre, et tout le monde inanimé, tout ce qui ne parle pas.

On ne fait pas plus chrétien (et moins catholique).

Le Christ glorifiait les humbles.

L’Eglise glorifie l’humilité. Attention ! Ce n’est pas la même chose. C’est tout le contraire.

Le Christ rabaissait les puissants.

L’Eglise encense les puissants.

« Debout ! Les damnés de la terre. »

Je suis un suscitateur.

Francis Ponge

Aucun commentaire: