"Pure" by TibaramaEt l’on tombe, toujours et encore, en une chute interminable et non exempte d’obstacles ! Ainsi fatum s’est-il fracassé le museau sur un article aride dont la source n'est autre que notre très respectable Libération. Plutôt que d’article il faudrait parler de chronique puisque la chose, classée sous la rubrique « Vous », un rien racoleuse n’est pas signée. Ce « vous » un tantinet léger se propose, le 7 mars 2007 de nous entretenir de notre rapport (de « Nous-même » enfin!) à la propreté et à la crasse. Le machin s’intitule « D’une propreté crasse » (par ici les cocos) et nous fait le récit, exemples et spécialiste à l’appui, de la haute teneur culturelle du « propre » et du « crado ».
Pas la peine de s’attarder sur l’article. Seul comptera ici l’analyse qu’en fait une certaine Federica Tamarozzi et, à sa décharge, du moins vaut-il mieux le croire, de la tambouille qu’en fait le journaliste sans nom qui, faute de temps, aura torché sa misère sur le coin d’un écran informatique poussiéreux dont le cadre jauni supporte les dizaines de post-it destinés à rappeler les urgences et idées urgentes à ne pas oublier.
Néanmoins, notre spécialiste, Federica de son petit nom, est présentée comme ethnologue par notre gentillet journaleux, et l’on se risquera si peu à lui ajouter quelque compétence en sociologie qu’il serait dommage de s’en abstenir. Ainsi, Féderica la douce est ethnologue... ET sociologue. Voilà qui commence bien. Y a la machine encéphalique qui se met en branle, qui salive devant un plat d’idées qui s’annonce savoureux, on se met en situation, histoire de faire durer le plaisir et le suspens, un petit cédé de Paula West donnant l’ambiance, et l’avant-avant-avant-avant-avant-avant-avant-avant(….), l’anté-anté(….)-pénultième cigarette se consumant déjà en un plaisir râleur mêlé d’une lascivité sourde dénuée par ailleurs de toute concupiscence : le sujet est sérieux ! M’enfin, pour la défense du fatum, Federica nous en promet des kilos, de ce bonheur en barre si cher à nos yeux.
Mais avant de poursuivre, il faut s’arrêter un instant sur notre déjà très chère Federica. Outre le fait qu’elle nous soit présentée comme ethnologue au musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée, une petite recherche (toute petite, car notre sujet n’est pas la douce Federica mais bien la crassitude évaluée au regard de la propritude) nous propose en première occurrence du Gogole en chef (le bien nommé Google) un très sérieux travail sur les Miss intitulé : Les Miss, construction de l’identité féminine. L’étude prend comme cadre l’élection de Miss Italie dans la ville de Salsomaggiore, joli petit coin ne serait-ce que pour sa pittoresque consonance. Nous ne nous attarderons ni sur les objectifs et questions de la belle et de son acolyte (elles s’y sont mises à deux), ni sur la description et la méthodologie du matos en question pour ne retenir de cette publication de haute volée que les résultats dont vous est livrée ici intégralement la note des deux miss :
« Les jeunes candidates sont considérées comme des ambassadrices de la beauté et plus encore d’un modèle de la femme jeune et saine. La Miss est, elle, placée entre la sainte et la putain, entre la jeune fille « pure » et « moderne » car elle incarne son époque, une époque où la consommation apparaît centrale. C’est ainsi que tout au long du concours, elles se font mannequin promouvant des marques, certains diront « marchandises ». Ce n’est qu’après la passation, à la fin de ce parcours, lorsque la Miss aura cédé son rôle à une autre jeune femme, qu’elle choisira plus librement son destin professionnel et familial. C’est aussi le moment où elle se dénudera plus franchement. Le corps de la Miss qui franchit à la fois les seuils de l’intime et du public, du caché et du montré, du pudique et de l’érotique est un bon exemple pour creuser la question de la construction paradoxale et extrême des figures féminines. Cette construction de la féminité apparaît dans un jeu de tensions, dans le franchissement de seuils, qui nous font dire du corps de la Miss, qu’il est bien un corps extrême, extrême dans les mises en scènes qui lui sont imposés, extrême car il propose et pose les limites des représentations féminines. Les élections de Miss favorisent donc l’apprentissage de ces ambiguïtés, la formalisation d’une norme d’exception.
Les élections de Miss sont également de bons exemples pour cerner les mécanismes d’évaluation de la beauté et les critères qui la formalisent. La mesure physique n’est pas suffisante pour distinguer une lauréate. Le jury fait son expertise en tenant compte à la fois de normes rigoureuses et d’impressions personnelles, mêlant mesurable et non-mesurable, objectivité et subjectivité. »
Voilà qui s’avère croustillant à souhait !
Sauf que les Miss et leurs mises en scène, à défaut de représenter l’extrème de la féminité ou du corps féminin, représentent d’abord et avant tout le cirque de ce que l’on pourrait appeler –sans mépris- la norme de la beauté « sous-prolétarienne ». La miss et son élection ont plus à voir avec les défilés de supermarché qu’avec ceux de son extrême pendant, ceux de la haute couture et de son élite. Une sous-culture de l’officiel culte du beau corps et de la norme véritable des corps de la Mode.
Les miss, c’est charmant, c’est désuet, c’est kitch, c’est assez beauf. Les miss, c’est saucisses-merguez, familles au complet, Riri Fifi et Loulou, sono saturée, costumes lamés et paillettes à gogo, c’est princesses en toc, jurys de croulants libidineux, musique de merde et scénographies de salles des fêtes. On peut espérer que l’extrême de la féminité ne se trouve ni ici, ni de l’autre côté, celui de la Mode, mode dont on peut dire qu'elle est, comme monde, à peu près aussi décérébrée que celui des miss, mais du côté des riches, des stars et des puissants, un extrême branché, cultivé, créatif, d’avant-garde, underground, borderline, camé et anorexique à en croire nos respectables médias.
Mais l’élection de la miss est un rituel de passage !!! Soit.
« La propreté, nous dit la belle, est un concept relatif que chacun compose différement selon les situations et les individus croisés, un peu comme une danse ».
Comme la danse… Comme La musique ? la cuisine ? La sexualité ? L’art ? L’animal ? Les mœurs ? La beauté ? Non, la danse. LA DANSE! Dans quel rapport au monde, dans quelle relation à sa chair ? La danse comme rapport à soi et à l’autre ? Ah d’accord… Ok, ok, la danse comme expressivité du corps et tout et tout. Mais c'est bien sûr. Elle assure la petite!
Un peu plus loin, il est dit que la propreté est affaire d’éducation, de culture familiale, d’impératifs sociétaux, il est dit que la propreté est affaire de perspective (un cheveux sur la tête est plus propre que sur le carrelage d’une salle de bain). Et tout le tintouin. D’accord, ok, ok.
Enfin, l’argument-choc qu’introduit le journaleux sur le malade qui, c’est bien connu, pue la charogne: le malade n’a d’autre ambition, une fois rétabli, que de se faire une séance de spa pool, épilation du maillot et/ou du menton et gommage du corps. Certes. Et notre bonne Federica d’ajouter : « ne pas respecter les règles d’hygiène, c’est se mettre en marge, comme les SDF ou les dépressifs qui se laissent aller ».
Elle a la classe la Federica. Elle est trop forte ! On comprend que Libé n’ait pu faire autrement pour éclairer ce sujet que de faire appel à la belle. Et dire que nous restions persuadé, il est vrai que les idées reçues ont la vie dure, que les SDF rencontraient des difficultés, entre autres pour les questions d’hygiène, pour la raison qu’ils étaient, qu’ils sont des sans-toit. Dire que nous nous sommes bercés de tant d’illusions sur le fait qu’ils ne dansaient pas ou mal, les bougres, pour la raison qu’ils se trouvaient lourds de leur crasse alors qu'il leur suffisait de se laver dans les fontaines, dans les chiottes de cafés, dans les gares ou dans des centres sociaux miteux, sous la pluie (en plus c'est très romantique), dans les caniveaux, les fleuves. Les possibilités ne manquent pas!
Dire que tous les crados, les puants-suants-dégoulinants qui parfois étaient nos professeurs, nos voisins, nos proches, n’étaient en tout état de cause que des dépressifs ! Nous aurions souhaité les voir danser. Ils en auraient été bien incapables. Une danse d’éclopés tout au plus.
Il est vrai que nos mythes nous donnent à voir les méchants en crados et nos héros en proprets. Mais il serait peut-être intéressant d’en connaître la Généalogie qui, pour le coup, est certainement baignée de morale. La miss, dans sa pureté virginale à la limite de la débilité, est propre, sans aucun doute. Le pape quant à lui est immaculé! A l'opposé, le marginal, l’asocial, l’impur, et le diable sont "crado", dussent-il se laver trois fois par jour et se parfumer de Chanel 5.
A bon entendeur, gare à vos fesses les dégueux...
Loo.
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