mercredi 3 octobre 2007

Baisé !

"sans titre" by Loo



Il n’y a bien que la religion catholique -et toutes les autres sous-pensées religieuses- pour avoir béni le terrain sur lequel le verbe « baiser » prend un sens si mensonger : « je l’ai bien baisé, il s’est fait niqué (baisé, veux-je dire), l’est bonne qu’à baiser »… Car, le salaud si connu des évangiles, n’a-t-il pas donné ce baiser à Jésus que pour mieux le trahir (niquer, veux-je dire) ? Ce sens si particulier qui le rend, ce mot, toujours scabreux, souvent tabou, la mythologie déiste s’est chargée de nous le léguer. On s’embrasse, on ne se baise pas. On fait l’amour avant de s’imaginer que l’on baise, et si tel était le cas, c’est en chiens, en sauvages, que nous le ferions. Dès lors qu’on baise, et il suffit parfois de le proférer avant même que le "dire" ne se fasse "faire" (oula!), voire de le susurrer à l'oreille d'une vieille bourgeoise que l'on considère sous l'angle de ses températures -des chaleurs qui atteignent, selon les spécialistes, celles de la fusion de l'acier-, et les moustaches frémissent, les poils pubiens, s'ils sont laissés libres de proliférer selon leur nature, frétillant à l’idée qu’il se joue là quelque chose dans le monde bien cadré de « l’interdit ».

C’est pourtant si beau de se baiser… De se donner à l’autre du bout des lèvres ou, parfois, entre deux portes, en ascenseur (le cliché tu pardonneras), dans une enfilade de couloirs menant à la cave d'une tour de trente étages, au fin fond d'une campagne irlandaise baignée par le soleil glacial d'une après-midi d'été, sur le promontoire du monde (vers les 8000), dans les chiottes d'un gros porteur, dans la paille (pour les papy-boomers), sexes à cran, chairs avides, presque à vif, à l’interstice de ce qui sépare l’Homme de la Bête, le breton du porc, le champardennais de la bécasse (une grosse salope celle-là), le savoyard du bouquetin, le marseillais de la rascasse, le parisien du clébard, de ce qui sépare l'Animal de l'Homme, la Raison de son Pendant naturel débridé (pendant qui n'est pas mou).

C’est bon et c’est beau la baise. C’est un acte qui, au fond, est si loin des activités du traitre Judas (dont l'étymologie profonde correspond à la confession, à la célébration !), qu’il faudrait ne jamais devoir s’en priver ou avoir à en faire le deuil. Au contraire, tout juste le célébrer. Celles et ceux qu’on baise en sont, ainsi, honorés. La difficulté principale réside donc dans notre accord jamais donné à nous laisser baiser, à nous baiser les uns les autres, alors que nous serions évidemment prompts à le faire sans jamais supposer que l’acte en question n’a de sens qu’à deux, de manière bi-unilatérale ou bi-univoque.

Le baiseur du XXIè siècle est aussi vénal que le Judas de la bible et, en ce sens, bien seul en son acte.

Mais, en réalité, personne ne se fait baiser… Ou, plutôt, nous mettons-nous volontairement dans la position qui le permet. Autrement dit, Jésus voulait bien se faire éclater le fion par Judas ! Finalement, c’est bien ce dernier qui dut faire, après ce baiser de traitre, l’expérience d’un niquage en règle (suicidé ou rompu au sens propre, les tripes à l'air, par le travail des champs selon les versions). Baisera bien qui baisera le dernier.

Celle ou celui qu’on baise, on ne peux le baiser réellement que si l'on est déjà baisé jusqu'à l'os. Une forme de don par excellence, bestial heureusement, qui ne se pense pas autrement qu’un don unilatéral-solidaire, réciproque-individuel et dépassé par toute forme de calcul. On baise l’autre pour soi-même, et l’on est baisé par autrui que pour autant qu'on le veuille. Cela vaut pour l'autre.

Jésus, un grand coquin qui connaissait le sens du mot "baiser" !

Loo

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Excellent Mon loo. ça donne envie de se faire tringler, a défaut d'être baisé. Je prépare une suite
Biz